Bonjour Chers Lecteurs,
L’éditorial porte sur les comités de santé en Afrique, une dualité de leur rôle. Nous vous invitons à lire cet éditorial et à partager avec les autres lecteurs votre expérience sur la mise en œuvre des activités par les comités de santé dans votre contexte. Cette mise en œuvre est-elle effective et comment ? Autant de questions que se pose Elsbet Lodenstein, l’éditorialiste de cette semaine et qui souhaitent avoir vos points de vue pour que nous puissions construire une meilleure participation communautaire en Afrique.
Vous trouverez ensuite trois articles dans le menu de cette semaine sur le financement de la santé par Pr Valerie Ridde, le deuxième sur l’utilisation de l’évidence en santé et les conditions pour construire des systèmes de santé apprenants et enfin le troisième sur le VIH/SIDA en Afrique austale.
Bonne lecture et Bonne semaine,
Basile Keugoung, MD, MPH, PhD
Edito – Le double visage des comités de santé en Afrique sub-saharienne
Par Elsbet Lodenstein (Institut Royal des Tropiques (KIT)/ VU University, Pays-Bas)
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Financement de la santé
1. Development in Practice : Les revenus miniers et l’accès aux soins en Afrique : les revenus miniers issus des secteurs miniers bien gérés peuvent-ils financer la gratuité des soins ?
Titre original : Mining revenue and access to health care in Africa: could the revenue drawn from well-managed mining sectors finance exemption from payment for health?
Ridde v et al
http://www.tandfonline.com/loi/cdip20
Diverses réformes entreprises durant les années 80 ont considérablement réduit la capacité des États à réguler les systèmes de santé. Sur les nombreuses politiques mises en œuvre depuis pour accroître l’accès aux soins de santé, les politiques d’exemption de paiement direct figurent parmi les plus importantes. Elles peuvent se révéler très efficaces dans un contexte bien financé et bien géré. Au-delà de la volonté politique, les États africains n’ont-ils pas les moyens d’adopter des politiques d’exemption de paiement pour les soins de santé ? Notre analyse, qui se base principalement, mais pas exclusivement, sur des recherches menées en Afrique de l’Ouest, nous font suggérer l’importance d’un secteur extractif minier bien géré en Afrique comme source potentielle de financement des politiques d’exemption de paiement pour les soins médicaux. Cela pourrait se matérialiser si tous les acteurs concernés, qu’ils soient issus du secteur privé ou de la communauté des bailleurs de fonds, étaient priés de suivre les mêmes règles et exigences de transparence et de redevabilité que celles imposées aux pays concernés.
En effet, cette modalité de financement a été jusqu’ici peu explorée. En outre, le sous-sol en Afrique est suffisamment riche et les bailleurs ont encouragé les pays à exploiter ces richesses pour augmenter les ressources internes. Les systèmes de santé ont été critiqués pour leur inefficience surtout liée à l’utilisation des paiements directs comme mécanisme principal de financement. On estime qu’entre 20-40% des dépenses de santé sont perdues à cause de l’inefficience des systèmes de santé.
En 2009, l’Union Africaine avait adopté la Vision Minière Africaine qui avait appelé à ‘une exploitation transparente, équitable et optimale des ressources minières pour favoriser une croissance pérenne et globale et un développement socio-économique’. Ainsi, les minerais sont non renouvelables et ne peuvent induire le développement que s’ils sont investis dans d’autres formes de capitaux qui vont au-delà de la durée de l’extraction minière.
Les chefs d’Etat avaient d’ailleurs souligné que ‘là où il y a un sous-développement du capital humain, physique et institutionnel, des déficiences de gouvernance, l’insuffisance de l’innovation, la faible capacité technologique et de progrès, une organisation économique et commerciale inefficiente, il est impossible de transformer les facteurs initiaux de ressources en une plateforme pour développer des de réseaux économiques efficaces et diversifiés.’
Ces conditions ne peuvent être réalisées si les populations ne sont pas en bonne santé. Les pays doivent observer la transparence, élaborer des politiques d’utilisation des ressources qui accordent la priorité aux populations et financent la gratuité des soins. Toutefois, le secteur privé et les bailleurs doivent également respecter les mêmes règles de transparence et de redevabilité exigées des pays africains.
Systèmes de santé
2. BMJ : Comment remplir le vide de l’évidence dans la pratique quotidienne ?
Richard Smith
Titre original: How to fill the void of evidence for everyday practice?
http://blogs.bmj.com/bmj/2015/08/11/richard-smith-how-to-fill-the-void-of-evidence-for-everyday-practice/?utm_campaign=shareaholic&utm_medium=twitter&utm_source=socialnetwork
Certains actes posés par les médecins ne reposent pas sur l’évidence. Et même lorsque cette évidence existe, elle ne semble pas pertinente aux yeux des médecins parce que les conditions des essais cliniques sont différentes de celles de leur pratique. Ceci est surtout vrai dans les pays à faible et moyen revenu. La conséquence est que les patients pourraient ne pas recevoir le traitement efficace ou même recevoir des traitements dangereux pour leur santé.
Certaines évidences sont basées sur des études non contrôlées, biaisées, mal reportées pour être utilisées pour soigner les patients. Une étude sur 15 directives de prise en charge cardiovasculaire a montré que 30-91% des recommandations manquaient d’évidences claires. Dans les pays développés, une revue systématique a montré que 19% (2-53%) des décisions cliniques étaient basées sur des résultats des études randomisées. L’analyse d’un ensemble de guides développées pour l’utilisation dans les pays à faible et moyen revenu a montré que plus de 6000 recommandations manquaient d’évidence. Et même si cette évidence existe, elle a été en général produite dans les pays développés où les conditions sont différentes.
Les médecins pourraient être conservatifs. Au lieu de demander si l’évidence est applicable à mes patients, les praticiens devraient plutôt se pose la question suivante : y a-t-il une raison valable de penser que mes patients sont très différents de ceux présents dans l’essai pour que l’intervention ait des résultats différents dans mon contexte ?
Il faudrait produire de l’évidence qui va répondre aux questions pratiques, qui sera applicable et qui va convaincre les cliniciens à baser leur pratique sur les résultats de la recherche. Les essais cliniques doivent être pragmatiques et aider à la prise de décision et surtout menés dans les conditions de routine, les critères d’éligibilité sont larges, l’organisation est simple et moins de données sont collectées et les effets mesurés concernent les cliniciens et les patients.
En définitive, le système de santé doit devenir une organisation apprenante qui peut mener la recherche y compris les essais pragmatiques. Pour avoir un système de santé apprenant, il faudrait une plateforme. Six composantes sont nécessaires :
- La première est la communauté. Celle-ci peut être difficile à définir mais elle inclut les cliniciens, les patients, les chercheurs, les spécialistes, les informaticiens, les gestionnaires et les décideurs. Ils doivent être passionnés et trouver de la valeur à participer.
- La focalisation sur les résultats : produire de meilleurs résultats pour les patients
- Une base de données commune : elle doit être simple, et les données doivent être introduites en une seule fois
- L’amélioration de la qualité : les chercheurs doivent montrer ce qui marche et les praticiens doivent s’assurer que chaque patient a accès à l’innovation
- La recherche pragmatique : elle transforme le réseau d’amélioration de la qualité en une organisation apprenante
- La gouvernance pour assurer la redevabilité et la participation des acteurs du système y compris les patients.
Un système de santé apprenant est-il possible en Afrique ? La réponse est oui. Tous les systèmes de santé ont débuté quelque part et évoluent dans cette direction et chacun à son rythme. Le défi est d’accélérer ce processus.
VIH/SIDA
3. ONUSIDA : Revitaliser la prévention du VIH et la riposte au sida en Afrique australe et orientale
Source: http://www.unaids.org/fr/resources/presscentre/featurestories/2015/august/20150810_HIVprevention
Ces dernières années, des progrès considérables ont été accomplis en Afrique australe et orientale dans la réduction du nombre de nouvelles infections à VIH, qui ont baissé de 21 % entre 2010 et 2014. La région a également apporté une importante contribution à la réalisation de l’objectif mondial de 15 millions de personnes bénéficiant de médicaments antirétroviraux vitaux d’ici fin 2015, atteint en mars dernier, soit neuf mois avant la date prévue. Toutefois, malgré ces avancées, la région représente encore plus de la moitié de toutes les nouvelles infections à VIH dans le monde.
Les nouvelles infections à VIH touchent plus particulièrement les jeunes femmes et les filles âgées de 15 à 24 ans, avec 3 700 nouvelles infections à VIH par semaine chez les jeunes femmes et les adolescentes à l’échelle de l’Afrique australe et orientale. Les nouvelles infections à VIH se produisent cinq à sept ans plus tôt chez les jeunes femmes et les adolescentes par rapport aux jeunes hommes et aux garçons du même âge. Cela signifie que les partenaires sexuels des jeunes femmes et des adolescentes, qui sont souvent beaucoup plus âgés, sont eux-mêmes une population prioritaire pour les programmes de prévention et de traitement du VIH.
Un autre défi pour la région consiste à atteindre les populations les plus exposées au risque d’infection à VIH, notamment les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, les consommateurs de drogues et les professionnels du sexe. Ces groupes sont souvent marginalisés en raison d’obstacles juridiques à l’accès aux services ou de la stigmatisation et de la discrimination. En outre, pour cause de manque d’informations stratégiques ou de ressources insuffisantes, de nombreux programmes de prévention du VIH à fort impact ne sont pas mis en œuvre au niveau requis.
Lors d’une récente réunion à Johannesburg, en Afrique du Sud, des experts de l’ONUSIDA, du Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) et de la Banque mondiale se sont rencontrés pour discuter de ces problèmes. Les participants sont tombés d’accord sur le fait que la marche à suivre devait inclure une spécialisation à l’échelon régional des objectifs mondiaux de la stratégie Accélérer de l’ONUSIDA et un repositionnement des stratégies de prévention du VIH sur la base de preuves existantes.
Les objectifs de la stratégie Accélérer de l’ONUSIDA pour 2020 sont les suivants : 90 % des personnes vivant avec le VIH connaissant leur état sérologique vis-à-vis du VIH, 90 % des personnes qui connaissent leur séropositivité au VIH sous traitement antirétroviral et 90 % des personnes sous traitement avec une charge virale indétectable, afin de les maintenir en bonne santé et de réduire le risque de transmission du virus. D’autres objectifs incluent la réduction du nombre de nouvelles infections à VIH à moins de 500 000 cas et zéro discrimination.
Les participants à la réunion de Johannesburg ont conclu que les forums à venir tels que l’ICASA 2015 (Conférence internationale sur le sida et les MST en Afrique) et la 21e Conférence internationale sur le sida 2016 à Durban, en Afrique du Sud, seront cruciaux pour persuader la communauté internationale d’investir suffisamment de ressources dans les programmes de prévention du VIH.