Cette semaine, nous avons fait appel à un Universitaire pour analyser la problématique de la recherche opérationnelle en Guinée Conakry. Le cas de la Guinée reflète la situation de nombreux pays d’Afrique sub-saharienne. Ensuite, vous trouverez des articles sur le financement au Burundi et la Journée Mondiale sans Tabac du 31 mai. Vous étiez nombreux à réagir au blog de Bruno Meessen sur la participation communautaire au Rwanda. Vous lirez l’expérience des Agents de santé communautaire en Zambie.
L’épidémie de choléra touche surtout l’Afrique. Un article sur l’efficacité du Vaccin oral contre le choléra dresse l’efficacité de cette stratégie. Une expérience d’une dizaine d’années en Ethiopie résume les leçons du passage à l’échelle de la trithérapie contre le VIH/SIDA et la rétention des patients.
Enfin, le dernier article est une revue de la littérature sur l’impact du renforcement des du leadership et du management sur la performance des systèmes de santé.
Bonne lecture
Basile Keugoung
Editorial : Politique de recherche et système de santé de district : le cas de la GuinéeConakry
Par Alpha Ahmadou Diallo
Chaire de santé Publique
Université de Conakry-Guinée
Ministère de la santé
Politiques et Financement de la santé
1. Santé Publique- La bonne gouvernance dans la réforme du financement du système de santé au Burundi
Peerenboom et al.
Source : http://www.cairn.info/landing_pdf.php?ID_ARTICLE=SPUB_138_0229
Au Burundi, la gratuité des soins pour les enfants de moins de cinq ans et les femmes enceintes a été introduite en 2006. Elle a été couplée à l’approche de Financement Basé sur la
Performance (FBP) à partir de 2010. Le présent article a pour but d’identifier les éléments dans cette réforme du financement du système de santé qui ont contribué à la bonne gouvernance.
Six critères de bonne gouvernance ont été utilisés comme cadre d’analyse. Les rapports officiels et les publications internationales ont servi comme sources d’information.
La séparation des fonctions, la transparence dans la gestion et une description minutieuse des procédures administratives ont bien contribué à la bonne gouvernance. Le suivi scrupuleux a permis de prendre plusieurs mesures correctrices.
Des questions demeurent par rapport à l’intégration des programmes verticaux et la pérennité du système vu les coûts considérables dont le financement n’est pas encore entièrement assuré par l’État et ses partenaires.
Maladies chroniques non transmissibles
2. WHO – L’OMS demande une hausse des taxes sur le tabac pour sauver davantage de vies
http://www.who.int/mediacentre/news/releases/2014/no-tobacco-day/en/
À l’occasion de la Journée mondiale sans tabac (le 31 mai 2014), l’OMS invite les pays à augmenter les taxes sur le tabac pour encourager le sevrage tabagique et éviter que de nouveaux consommateurs ne deviennent dépendants.
Sur la base des données de 2012, l’OMS estime qu’une augmentation des taxes de 50% permettrait à l’ensemble des pays de réduire le nombre des fumeurs de 49 millions au cours des trois prochaines années et de sauver en fin de compte 11 millions de vies.
Aujourd’hui, le tabagisme provoque un décès toutes les six secondes. Jusqu’à 50% des consommateurs meurent à cause du tabac, qui entraîne aussi des coûts considérables pour les familles, les entreprises et les gouvernements.
Le traitement des maladies liées au tabac comme le cancer et les cardiopathies est coûteux. Les maladies et les décès liés au tabac frappent souvent des consommateurs dans la force de l’âge, en pleine activité professionnelle, affectant leur productivité et leur revenu.
Comme l’affirme le Directeur général de l’OMS, le Dr Margaret Chan, «l’augmentation des taxes sur le tabac constitue le moyen le plus efficace de réduire le tabagisme et de sauver des vies. Une action résolue dans le domaine fiscal frappe l’industrie du tabac là où cela fait mal.»
– Bon pour les jeunes et les pauvres
Les prix élevés sont un moyen particulièrement efficace pour amener les jeunes à ne pas commencer à fumer, leurs moyens étant souvent plus limités que ceux des adultes; les jeunes qui fument déjà sont aussi encouragés à réduire leur consommation ou à abandonner le tabac.
– Bon pour l’économie aussi
L’OMS calcule que si tous les pays augmentaient les taxes sur le tabac de 50% par paquet de cigarettes, ils percevraient 101 milliards de dollars de recettes supplémentaires.
Des pays comme la France et les Philippines ont déjà pu constater les avantages d’une augmentation des taxes sur le tabac. Entre le début des années 1990 et 2005, la France a triplé le prix des cigarettes ajusté pour l’inflation. Cette augmentation a été suivie d’une baisse des ventes de plus de 50%.
– Un élément fondamental de la lutte antitabac
Le tabagisme est la principale cause de décès évitables dans le monde. Le tabac tue près de 6 millions de personnes par an, dont plus de 600 000 sont des non-fumeurs victimes du tabagisme passif. Si rien n’est fait, le tabac provoquera plus de 8 millions de décès annuels en 2030 – dont plus de 80% dans des pays à revenu faible ou intermédiaire.
L’augmentation des taxes sur le tabac pour réduire la consommation est un élément fondamental de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac, un traité international entré en vigueur en 2005 qui a déjà été approuvé par 178 États Parties. L’article 6 de la Convention, Mesures financières et fiscales visant à réduire la demande de tabac, reconnaît que «les mesures financières et fiscales sont un moyen efficace et important de réduire la consommation de tabac pour diverses catégories de la population, en particulier les jeunes.
Recherche
3. Human Resources for Health – Espoir et Désespoir: Expérience de Travail des Assistants de Santé Communautaire (ASC) dans un District Rural de Zambie
Titre original : Hope and despair: community health assistants’ experiences of working in a rural district in Zambia.
Zulu Mumba Joseph, Kinsman John, Michelo Charles, Hurtig Anna-Karin,
http://www.human-resources-health.com/content/pdf/1478-4491-12-30.pdf
Par Jeanne Tamarelle
Le Ministère de la Santé zambien a mis en place en 2010 la Stratégie Nationale des Agents de Santé Communautaire (ASC), Community Health Assistants en Anglais grâce au financement du Department for International Development et à l’appui technique de la Clinton Health Access Initiative au Ministère de la Santé. Ce nouveau groupe de professionnels de la santé communautaire, essentiellement chargés de prendre les signes vitaux, de réaliser les tests de paludisme et le diagnostic/traitement de maladies mineures (diarrhée, infections respiratoires…), a pour objectif de renforcer la prestation de services de santé au niveau des communautés et dans les postes de santé afin de faire face aux besoins grandissants des communautés vis-à-vis de la santé et au manque de ressources humaines en santé. Cependant, une telle stratégie ne peut être effective que si les conditions sont réunies pour assurer la motivation et la performance de ces nouveaux acteurs de la santé. L’Organisation Mondiale de la Santé a par ailleurs identifié trois facteurs-clés déterminant la performance des professionnels de la santé : les caractéristiques individuelles des professionnels de la santé, les caractéristiques de système de santé, et les caractéristiques de la population servie par les professionnels de santé.
Les auteurs nous présentent ici une étude qualitative dont l’objectif est d’évaluer le ressenti des ASC vis-à-vis de leur expérience de travail (en poste de santé et au sein de la communauté) et comment ce ressenti conditionne leur motivation, appliquant ainsi une analyse de type « psychologie du travail » dans le domaine de la santé soit une approche phénoménologique complémentaire des évaluations précédentes de cette stratégie nationale.
La présente étude a donc pris la forme d’entrevues qualitatives avec douze ASC des six postes de santé du district de Kapiri Mposhi (à 185 km au nord de Lusaka) où la stratégie a été appliquée de manière pilote, soit la totalité des ASC du district pour l’instant. Ces entrevues ont été complétées par une observation in situ des pratiques en poste de santé.
Si les résultats de cette étude ne sont pas surprenants, il n’est pas ici superflu de les rappeler. En ce qui concerne la motivation des ASC à postuler à cette offre de travail, elle est essentiellement intrinsèque : la cohérence avec leur expérience passée, le désir de progression dans leur carrière (ce travail étant souvent vu comme une étape) et le désir de servir la communauté à laquelle ils appartiennent sont des facteurs déterminants. Si la majorité des ASC sont satisfaits de leur expérience en poste de santé et au sein de la communauté, certains relèvent quelques limitations : en poste de santé, les ASC ont parfois affaire à un manque de confiance de la part de leur supérieur ou à une mauvaise répartition des tâches (la personne en charge du ménage délivrant des médicaments tandis que les ASC font le ménage). La limitation des ressources financières tend également à créer de la compétition avec le reste du personnel des postes de santé, et même avec les travailleurs communautaires bénévoles qui décident ainsi de limiter leur engagement. Par ailleurs, la plupart des salaires n’ont pas été versés après plusieurs mois de travail ou avec plus de 5 mois de retard, mettant ainsi les ASC dans une position délicate vis-à-vis de leur famille et de la communauté. Enfin les communautés sont parfois difficiles d’accès, et les médicaments ne peuvent être transportés jusqu’à celles-ci.
Malgré ces limitations, les auteurs identifient un certain nombre de facteurs de motivation pour les ASC, résumés à travers la grille de lecture de l’OMS de la manière suivante :
- Caractéristiques individuelles : l’anticipation de l’idée d’être valorisé par la communauté, l’amélioration de leur statut social mais aussi leur désir d’améliorer leurs compétences, de progresser dans leur carrière et surtout de servir leur communauté sont des facteurs essentiels de motivation pour les ASC. Afin de renforcer ce lien avec la communauté, des membres de ces communautés devraient être inclus dans le processus de recrutement des ASC. Les postulants étant issus des communautés mêmes, cette stratégie permet par ailleurs la rétention de personnel de santé dans les zones rurales.
- Caractéristiques du système de santé : L’adoption d’une culture de travail inclusive est identifié comme le facteur fondamental pour capitaliser l’expérience et les connaissances des ASC et maximiser leur valeur ajoutée. Pour cela, il est nécessaire d’assurer la bonne supervision des ASC et la bonne connaissance du programme par l’ensemble du personnel afin de réduire les risques de compétition ou de manque de confiance. Ici, la valorisation des professionnels de la santé et le développement d’un lien fort avec le système de santé publique sont bien plus déterminants que des incitations financières (les salaires devant quand même être versés à temps bien sûr).
- Caractéristiques de la communauté : L’appréciation et le respect de la communauté vis-à-vis des ASC est un élément clé pour augmenter la motivation de ceux-ci. Cependant, le temps limité passé au sein de la communauté (entre 50% et 80% de leur temps) et le manque de clarification du rôle des ASC entravant la confiance de la communauté envers les activités des ASC, ceci étant doublé de leur impossibilité à traiter certaines maladies par manque de médicaments, sont des freins importants à l’application et surtout à l’efficacité de la stratégie nationale.
Choléra
4. NEJM: Introduire le vaccin oral contre le choléra : le changement de réponse à l’épidémie de choléra
Jean William Pape et Vanessa Rouzier
http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMp1402837?query=featured_home
Titre original : Embracing Oral Cholera Vaccine — The Shifting Response to Cholera
Par Laurinda Baguidi
L’OMS estime que 1,4 milliard de personnes étaient à risque d’être touchés par le choléra en 2012. Plus de 90% de cas ont été enregistrés en Afrique. En 2010, dix mois après le tremblement de terre, Haïti a connu la plus sévère des épidémies de choléra (699 579 cas et 8539 décès). Les pratiques WASH (Water, Sanitation and Hygiene) sont les axes stratégiques pour la prévention et le contrôle du choléra.Les pratiques WASH associés à d’autres interventions (formation des professionnels de santé, la mise en place de centre de traitement, l’utilisation des antibiotiques au début de l’épidémie) ont diminué la mortalité liée à la maladie de 4% à 1,5% en Haïti. Pourtant une étude dans les bidonvilles de Port –au –Prince a montré que malgré que la communauté avait la connaissance de la pratique des règles d’hygiène, la disponibilité de l’eau et du savon reste problématique. Quel rôle le vaccin oral de lutte contre le Choléra (VOC) en combinaison avec les pratiques WASH peut jouer en cas d’épidémie. Trois Vaccins : (Schanchol, Dukoral, mlORCVAX ) ont reçu la licence de l’OMS et ont montré leur innocuité et efficacité (66 à 85%) après 2 doses avec 5 ans d’immunisation pour Shanchol. Parmi les trois vaccins, Shanchol est le moins coûteux soit 1,85$ par dose. Malgré tout ceci, au cours de l’épidémie de choléra à Haïti en 2010, trois raisons ont été évoquées par les agences internationales contre l’intégration du VOC. Il y avait l’insuffisance de réserve en VOC, l’absence de licence de Shanchol (le moins cher et le plus facile d’utilisation) par l’OMS en 2010, la compétition entre les interventions WASH et l’intégration du VOC dans des localités où le système de santé est fragile. Alors, des interventions pilotes ont été conduites en Haïti, il en ressort que le VOC peut être employé dans le cadre d’un programme de contrôle du Choléra. Depuis, l’OMS a intégré l’utilisation du VOC dans la gestion de l’épidémie de choléra. Depuis 1,6 million de doses de Schanchol ont été utilisées en Afrique, en Asie et au Caraïbes. Actuellement, il y a des preuves de l’efficacité de Shanchol au début de l’épidémie. Malgré que la disponibilité de Shanchol augmente, le monde aura besoin de plus de doses de vaccins. Toutefois, quelques questionnements demeurent: les priorités dans le redéploiement du stock global de Shanchol au vu la multiplicité et la simultanéité des foyers épidémiques dans le monde et l’existence de situations à haut risque telles que les camps de réfugiés et la question du coût-efficacité.
VIH/SIDA
5. Globalization & Health – Passage à l’échelle de la trithérapie et amélioration de la rétention des patients 2005-2013: leçons d’Ethiopie
Titre original: Scaling up antiretroviral treatment and improving patient retention in care: lessons from Ethiopia, 2005-2013
Y Assefa et al;
http://www.globalizationandhealth.com/content/10/1/43/abstract
Par Gaston Wamba
Cet article analyse le programme de traitement antirétroviral des personnes infectées par le VIH en Ethiopie. En effet, en Ethiopie, ce programme est passé à l’échelle et la rétention des patients aux services de soins s’est améliorée.
L’étude a utilisé les méthodes statistiques quantitatives et qualitatives. Les interviews et discussion de groupes focaux ont été réalisées.
Il en ressort que, le nombre de patients sous ARV en Ethiopie est passé de 9,000 en 2005 à 439,000 en 2013, mais la rétention des patients aux soins n’a pas suivi. Il a fallu que d’autres interventions plus adaptées liées au programme, aux facteurs structurels et socio-culturels et au système d’information du patient soient mises en œuvre. Ce qui a fait passer la rétention des patients aux soins de 77% en 2004/2005 à 92% en 2012/2013, ceci avec des ressources limitées et grâce au renforcement des systèmes de santé, l’utilisation des organisations à base communautaires et à l’engagement des communautés elles-mêmes. Exemples à être copiés par les autres pays à ressources limitées.
Recherche
6. Resyst (Working paper) – Le développement de compétences en leadership et management au sein des systèmes de santé dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire : revue de littérature
Titre original: Developing leadership and management competencies in low and middle-income country health systems: a review of the literature
Judith Daire, Lucy Gilson & Susan Cleary;
Par Alma Benzaïd
Le leadership et la gestion semblent se chevaucher en pratique. en contextes de ressources insuffisantes, les politiques de santé nécessitent des compétences à la fois managériales et de leadership. Ainsi, les dirigeants et pratiques de gestion renforcent la capacité organisationnelle et améliorent la qualité des services de santé fournis.
Les professionnels de santé (médecins, infirmières, pharmaciens) au sein des pays en développement ont rarement suivi de formation particulière avant d’occuper un poste de direction. Les gestionnaires sont généralement responsables du suivi des directives administratives et procédures d’exploitation, afin d’atteindre les objectifs émis aux niveaux national, provincial ou régional. Ainsi, la responsabilité administrative et technique relève de plusieurs autorités de niveaux différents. Dans un tel contexte, les initiatives de gestion et d’innovations améliorant la réactivité sont limitées.
Trois types d’intelligence sous-tendent le leadership et la gestion des actions : l’intelligence cognitive, comprenant des compétences en affaire, la capacité de planifier, de budgétiser, de coordonner et de contrôler. De plus, la pensée systémique désigne la capacité à percevoir de multiples relations causales pour aider à la compréhension des phénomènes. Enfin, l’intelligence émotionnelle comprend la conscience de soi, la confiance en soi, la gestion de ses émotions.
La formation la plus couramment utilisée dans des contextes de faibles revenus comprend des enseignements à distance et en présentiel, des diplômes et certificats. Le programme tend à se concentrer sur l’intelligence cognitive, la gestion des programmes, des ressources humaines et financières. Les méthodes d’enseignement comprennent des conférences et études de cas conçus pour résoudre des problèmes. En outre, l’apprentissage par l’action combine une formation avec mentorat et soutien sur le lieu de travail, et repose sur le contexte de travail comme le véhicule d’apprentissage. Cette approche suppose que le leadership soit mieux intégré dans le travail.
Néanmoins, il existe des limites aux méthodes de développement existantes. En effet, de nombreuses approches se concentrent sur les compétences techniques et opérationnelles de planification et de budgétisation (les aspects de l’intelligence cognitive) au détriment des aspects émotionnels et sociaux, de la capacité à inspirer et à motiver les autres, à encadrer et à diriger l’organisation du changement. Or, certains auteurs soulignent qu’il est important de fournir la motivation nécessaire pour développer et pratiquer les compétences de leadership. Bien qu’il soit difficile d’insister sur la sensibilisation, cette dernière est nécessaire pour développer l’intelligence émotionnelle et sociale. Par conséquent, les auteurs proposent que les compétences de leadership soient d’abord issues d’expériences liées à des problèmes dans des contextes spécifiques, et soient organisées en systèmes de niveaux de plus en plus élevés de conscience qui guident le comportement, les connaissances et les perceptions sociales.
En cela, la formation des cadres et de dirigeants par des processus éducatifs didactiques peut être utile pour fournir des idées, du matériel et de la motivation, mais leur intégration dans l’identité personnelle de l’individu dépendra de la mesure dans laquelle ils choisiront de pratiquer et d’intégrer leurs compétences dans la vie quotidienne. Cela peut être obtenu grâce au coaching et au mentorat internes ou externes, afin que le leadership et le développement se trouvent en synergie avec d’autres pratiques et processus.