Par TAPTUE FOTSO Jean Claude
MD, MPH – Manager de l’Agence d’Achat des Performances du Fonds Régional Pour la Promotion de la Santé du Littoral, Douala, Cameroun
Cette expérience a été présentée à la conférence régionale sur le district sanitaire, tenue à Dakar au Sénégal du 21 au 23 octobre 2013.
Vingt-cinq ans après l’initiative de Bamako, le système de district de santé tel que défini à Harare ne semble plus adapté aux multiples changements qui se sont opérés dans les pays en développement en général et en Afrique en particulier. En effet, la transition épidémiologique, l’urbanisation croissante, la faible couverture sanitaire par des formations sanitaires (FOSA) publiques et la prolifération anarchique des FOSA privées en zone urbaine, sont des défis majeurs auxquels sont confrontés les systèmes de santé dans nos pays africains.
Il est donc important de revisiter le système de santé de district. En ce qui concerne le secteur privé, cette revisite permettrait de trouver une stratégie adéquate pour coordonner l’offre des soins de santé dans les districts de santé urbains, d’assurer la régulation du secteur privé qui s’y développe à un rythme accéléré et de les aligner sur les priorités de santé publique. Notre objectif est de montrer comment le Financement Basé sur la Performance (FBP), peut contribuer à la résolution de ces défis.
L’expérience du projet FBP que nous voulons partager se déroule dans 4 districts de santé de la région du Littoral au Cameroun. Au total, 70% de la population et des FOSA bénéficiaires se trouvent en zone urbaine, notamment dans une partie de la ville de Douala, capitale économique du Cameroun. Dans la zone du projet, on recense plus de 300 FOSA dont plus de 70% sont privées à but lucratif.
Pour qu’une FOSA privée à but lucratif soit acceptée dans le projet, elle doit avoir déposé au district de santé un dossier administratif acceptable qui justifie son existence et son fonctionnement. Le chef de service de santé de district (médecin chef du district) doit donner son approbation après évaluation de la qualité des infrastructures, des équipements et du personnel qui s’y trouvent.
Toutes les FOSA qui adhèrent au projet doivent déclarer tous les mois leurs prestations à l’Agence d’Achat des Performance (AAP), et recevoir la visite des vérificateurs de l’AAP. Elles doivent également recevoir au moins une fois par trimestre une visite de supervision et d’évaluation du Médecin chef du district. La note de cette évaluation fait partie des critères de calcul du bonus qualité payé à la FOSA et conditionne le renouvellement du contrat de performance. Avant l’entrée de chaque FOSA dans le projet, les données de base sur la qualité des soins sont collectées à l’aide d’une grille d’évaluation qualité qui a 154 indicateurs. Cette évaluation est reprise chaque trimestre pour apprécier l’évolution et pour faire des recommandations pour l’amélioration.
Deux ans après le démarrage de ce projet en février 2011, nous avons évalué les performances des 83 formations sanitaires qui avaient déjà fait au moins 4 trimestres dans le projet sans interruption avant décembre 2012. Le graphique ci-dessous présente les caractéristiques de ces Formations sanitaires
Figure 1 : Caractéristiques des 83 formations incluses dans le projet FBP
Dans l’ensemble, le score qualité moyen est passé de 14,01% à l’évaluation de base à 53,9% à l’évaluation du 4e trimestre 2012. En zone rurale, le score est passé de 14,3% à 52,0% et en zone urbaine, il est passé de 13,7% à 55,9%. Dans les FOSA privées à but lucratif, le score est passé de 12,0% à 44,0%. Dans les FOSA publiques, il est passé de 14,0% à 58,8% et dans les FOSA confessionnelles, il est passé de 16,0% à 58,6%.
La proportion des FOSA qui offrent au moins une méthode de planning familial est passée de 33% à 89% -soit de 22,6% à 87,1% en zone urbaine et de 45,8% à 91,7% en zone rurale. Elle est passée de 16,7% à 94,4% ans les FOSA privées, de de 42,3% à 100% dans les FOSA publiques, elle est passée et de 30% à 50% dans les formations sanitaires confessionnelles.
Dans l’ensemble le nombre de femmes ayant reçu une méthode de planning familial par trimestre est passé de 406 à l’entrée dans le projet à 2059 au 4ème trimestre 2012. Dans les FOSA privées, publiques et confessionnelles, on est passé respectivement de 88 à 606, de 274 à 1303, et de 44 à 150.
Cette analyse nous a montré que les FOSA privées, comme les autres qui sont sous FBP, ont amélioré de façon significative la qualité des soins qui sont offerts aux populations, même si leur score qualité moyen reste en dessous de celui des FOSA publiques et confessionnelles. Ceci peut s’expliquer par l’étroitesse des locaux des FOSA privées à cause du manque d’espace et du coût élevé du loyer ou du terrain en zone urbaine. Beaucoup de FOSA privées ont aussi élargi leur paquet d’activités au-delà des soins curatifs, en intégrant notamment la planification familiale dans le paquet de soins offerts aux populations. C’est dans les FOSA privées qu’on a enregistré la plus grande progression des FOSA qui ont intégré le planning familial dans leur paquet de soins. La proportion des FOSA confessionnelles qui offrent le planning familial n’a pas significativement évolué ; les formations sanitaires catholiques n’offrent pas le planning familial moderne.
Le FBP a donc contribué à la régulation du secteur de la santé et à l’amélioration de la qualité des soins et a facilité l’intégration de nouvelles activités dans le paquet minimum d’activités des FOSA pour répondre aux besoins des populations. L’un des points forts du FBP est le respect de l’autonomie des acteurs pour planifier les activités, mais également les incitants offerts en relation avec les outputs (en quantité et en qualité) produits.
L’un des défis majeurs est le passage à l’échelle pour inclure toutes les FOSA de la région dans ce mécanisme de financement.
Expérience intéressante. Cependant elle ne fournit pas des informations claires sur l’alignement à la régulation en dehors du dépôt d’un dossier au district sanitaire. Du moins, ce document est supposé existé au niveau du Bureau du district. L’impression est que c’est plutôt le Bureau du district qui ne réalise pas ses activités de coordination au sein du district sanitaire.
C’est aussi l’occasion d’attirer l’attention de tous sur la table ronde publiée par Ireland, Paul et Dujardin (2011) dans le Bulletin de l’OMS. c’est l’appât du gain qui attire ces structures privées.
Le du passage à l’échelle sera relevé lorsque toutes les parties prenantes seront informées des résultats obtenus dans les 4 districts. Après cette étape, les principaux acteurs verront mieux comment optimiser leur contribution à l’atteinte de notre but commun : offre un service de meilleur qualité avec les moyens disponibles. Merci pour ce partage. Partage que je n’ai pas eu l’occasion d’apprécier lorsque nous étions à Dakar.
Merci à mon voisin du nord.