Médicaments
Lancet (World Report) – Skies darken over drug companies
David Holmes;
Commentaire : Jeanne Tamarelle
Il est un lieu commun selon lequel le secteur pharmaceutique ne serait jamais touché par les crises et les mauvaises conjonctures économiques. On pourrait argumenter qu’il y aura toujours des malades donc une demande à laquelle l’industrie pharmaceutique doit répondre. Et pourtant récemment les entreprises pharmaceutiques font aussi face à de nombreux problèmes.
David Holmes fait l’état des lieux de la question. Pour lui, l’industrie pharmaceutique, loin d’être à l’abri de tout, fait face à trois problèmes majeurs en ce moment :
– Le précipice du brevet (patent cliff)
– La réduction de la recherche interne et de développement
– Le contrôle des prix (price capping)
Ce qu’il appelle le précipice du brevet fait référence au fait qu’une fois que les brevets sur un médicament expirent, les médicaments génériques entrent en compétition, mais une compétition plutôt déloyale puisque les prix sont largement inférieurs. L’apparition de générique leur fait donc perdre un grand profit.
Le brevet a une durée de 20 ans comprenant parfois (mais pas toujours !) le temps d’obtenir une autorisation de mise sur le marché (commercialisation du produit). Dans certains pays, les 20 ans ne commencent qu’après l’autorisation de mise sur le marché, soit 5 ans environ après la demande. Auxquels on peut rajouter environ 5 ans minimum de recherche avant d’obtenir une molécule commercialisable ayant passé tous les tests toxicologiques et pharmacocinétiques.
Voila donc la raison pour laquelle, dans l’industrie pharmaceutique on ne peut pas voir à court-terme. Et pourtant la tentation est grande pour se sauver des mauvais profits d’aujourd’hui, de couper «provisoirement » la recherche et le développement. Mais couper aujourd’hui la recherche c’est s’exposer à de gros risques dans 20 ans quand les brevets des médicaments les plus vendus assurant le bilan positif de l’entreprise arriveront à expiration. Mais Keynes disait « à long terme nous serons tous morts ».
Si on délègue à d’autres entreprises de biotechnologies ou à des instituts la recherche initiale, on s’expose au risque que ces entreprises ne pas fassent pas la « bonne recherche », permettant d’aboutir à la commercialisation d’un produit. Cela a amené quelques entreprises pharmaceutiques à travailler en collaboration avec les petites entreprises de biotechnologies pour vérifier que la « bonne recherche » était faite. Mais un tel contrôle ne convient pas au monde de la recherche, qui défend sa liberté de créer.
Enfin le contrôle des prix exercé par les Etats sur l’industrie pharmaceutique est un véritable problème pour l’industrie pharmaceutique qui se voit couper des bénéfices, qui se répercuteront donc encore une fois sur le niveau de la recherche et le développement de nouveaux médicaments. Mais si personne ne peut se payer de médicaments, quel est l’intérêt du médicament ? D’autant que des prix trop élevés creusent le déficit budgétaire de l’Etat en matière de santé, pour les Etats offrant une couverture santé, ce qui se répercutera sur la population par le biais de plus d’impôts et de cotisations plus importantes. On comprend bien qu’il existe une tension entre les intérêts de l’industrie pharmaceutique et les intérêts des patients.
Effectivement comme conclut Ken Kaitin il est certainement temps pour l’industrie pharmaceutique de rénover son modèle économique car, par son fonctionnement, elle ne promeut pas l’égalité en matière de santé à laquelle tous les patients aspirent et qui est désormais reconnue comme un des piliers du développement et à laquelle tous les Etats doivent tendre.