Titre original: The Global Fund: What Next for Aid Effectiveness and Health Systems Strengthening?

Auteur: David McCoy et al.

Source: http://aidspan.org/documents/aidspan/GF-and-AE-and-HSS.pdf

Résumé et commentaire par Damien Porcher

 

Résumé :

La triple crise – financière, fiduciaire et de leadership – que traverse actuellement le Fonds Mondial (« Global Fund against AIDS/HIV, Tuberculosis and Malaria ») risque-t-elle de dévier sa politique des principes de l’efficacité de l’aide et du renforcement des systèmes de santé (RSS) par la suite) ? Les questions de l’interdépendance entre la situation actuelle du Fonds et l’évolution complexe du « secteur » de la santé globale, et les priorités et besoins des pays récipiendaires en matière d’efficacité de l’aide et du RSS ont-elles été suffisamment soulevées et débattues ?

Ce sont ces questions que se posent les auteurs du rapport, exprimant ainsi leur inquiétude quant à la future ligne de conduite du Fonds Mondial sur l’efficacité de l’aide et le RSS à l’heure des réformes contraintes et nécessaires.

 

Historique :

Un historique de l’« engagement » du Fonds Mondial sur les questions de l’efficacité de l’aide et du RSS parallèlement à l’émergence de ces concepts sur la scène internationale sanitaire est présenté. Les auteurs « concluent » que le Fonds Mondial a tenté, tant bien que mal, de progresser sur la route de l’efficacité de l’aide (p.ex. en s’efforçant de s’aligner sur les stratégies nationales au travers des « National Strategy Applications ») et du RSS de santé, en participant notamment aux efforts internationaux de mutualisation des évaluations des stratégies nationales et du financement du RSS (IHP+/HSFP).

 

Enjeux des réformes du Fonds

Les auteurs « défient » ensuite la nouvelle orientation prise par le Fonds suite au climat tempétueux au regard des enjeux de l’efficacité de l’aide et de RSS. Autant ces derniers estiment que les problèmes financiers, fiduciaires, structurels étaient inévitables compte tenu de la nature verticale et du mandat du Fonds, ainsi que de l’hétérogénéité des acteurs interagissant dans l’écosystème du Fonds, autant le « nouveau mandat » leur apparaît nettement moins favorable aux principes de l’efficacité de l’aide et du RSS.

La nouvelle orientation basée sur trois thèmes – austérité financière, financement basé sur la performance et risque fiduciaire – risque de faire l’impasse sur les initiatives globales d’efficacité de l’aide et de RSS, en témoignent les derniers documents stratégiques [1]  du Fonds. Paradoxalement, ces trois thèmes ne peuvent être « respectés » qu’à condition que les efforts globaux sur le RSS et l’efficacité de l’aide soient redoublés.

Les auteurs pensent donc qu’il est nécessaire d’aborder ces questions non plus uniquement du point de vue seul du Fonds mais de l’ensemble des acteurs de la santé globale. Une approche individuelle, verticale et plus sélective, risquerait de reléguer les approches interdépendantes sur l’efficacité de l’aide et le RSS au deuxième plan.

 

Recommandations

Par souci d’aborder les principes de l’efficacité de l’aide et du RSS de manière complète et « écologique » du point de vue du Fonds et de l’écosystème de la Santé Globale, quatre grandes recommandations sont établies :

1) Réaffirmer l’importance d’un soutien du Fonds Mondial aux agendas globaux de l’efficacité de l’aide et du renforcement des systèmes de santé

Un rapport indépendant s’appuyant sur des cas d’étude pays concrets pourrait être produit.

2) Corriger les déséquilibres de responsabilité

Des « axes » de responsabilité horizontaux doivent être établis entre le Fonds d’une part et les autres bailleurs et institutions de Santé Globale d’autre part, en sus du cadre de responsabilité interne au Fonds (Secrétariat vers le Conseil d’Administration, pays récipiendaires vers le Secrétariat). Les plates-formes de mutualisation IHP+ et HSFP peuvent constituer des points d’ancrage intéressants en ce sens.

3) Transformer le Fonds Mondial mais aussi mieux appréhender la complexité

La responsabilité de l’efficacité de l’aide et du RSS n’incombe pas seulement au Fonds, mais à l’ensemble des acteurs de la Santé Globale, tout particulièrement les autres « institutions » majeurs en la matière – OMS, GAVI, Banque Mondiale, gouvernement américain, gouvernement anglais, Union Européenne et la Fondation Gates. Une étude indépendante de la politique de ces institutions en matière d’efficacité de l’aide et de RSS pourrait être réalisée.

4) Procéder à une surveillance « complète » des initiatives de RSS

Il est important de surveiller les initiatives de RSS de manière globale, à l’échelle d’un pays, ou au minimum sur un ensemble de priorités nationales. Pour cela, le Fonds doit identifier et prioriser les activités RSS essentielles à financer, et comment l’impact de son soutien au RSS peut être évalué.

 

Commentaire

Les auteurs de ce rapport dressent un portrait – historique et structurel – détaillé et juste de la politique du Fonds Mondial en matière d’efficacité de l’aide et de renforcement des systèmes de santé. Les recommandations énoncées sont censées et constituent sans aucun doute la « voie royale » pour une approche plus globale et équitable de l’efficacité de l’aide et du RSS. Malheureusement, ces recommandations ont été déjà présentées et soutenues par le passé : elles sont souvent restées lettre morte…

On retrouve ici le conflit auquel sont confrontées la plupart des institutions internationales de santé aujourd’hui : s’engager graduellement sur les principes de l’efficacité de l’aide et du RSS ou « céder » aux incantations des donneurs sur la nécessité d’ « en avoir pour leur argent » (« Value for Money »).  Bien que le rapport ne s’attarde pas forcément beaucoup sur cet élément, il s’agit très certainement du point d’achoppement le plus important actuellement. Comment s’inscrire dans une démarche plus globale et interdépendante de l’efficacité de l’aide et du RSS alors que les principaux financeurs y sont réticents, pour des raisons idéologiques et financières (« Value for Money ») ? L’approche verticale et sélective de ces sujets aura encore de beaux jours, si les positions des « grands argentiers » n’évoluent pas.

Un autre élément également soulevé par le rapport est la faible propension de la société civile engagée auprès du Fonds à vouloir un changement dans l’approche verticale et sélective de l’efficacité de l’aide et du RSS. Un engagement financier plus transversal et moins lié aux maladies sur ces sujets contribuerait nécessairement à une dilution et une diminution de leur financement…

Sans doute de nouveaux sommets sur l’efficacité de l’aide et de nouvelles « taskforce » sur le RSS seront nécessaires pour espérer voir des positions communes plus justes se dessiner sur ces questions…

 


[1] En particulier, ni le « Global Fund’s Consolidated Transformation Plan », ni le document stratégique 2012-2016 ne mentionnent la plate-forme IHP+.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

Please fill in the below * Time limit is exhausted. Please reload the CAPTCHA.