Basile Keugoung
Les Etats d’Afrique sub-saharienne ont subi ces dernières décennies de nombreux troubles politiques et des conflits armés qui ont déstabilisé les systèmes de santé et ont rendu ces systèmes de santé déjà faibles fragiles. Ceci a eu pour conséquence de faire reculer les indicateurs de santé et l’espérance de vie des populations.
En effet, les conflits armés ont une double conséquence sur la santé des populations. D’une part, il y a les traumatismes physiques et psychiques sur les individus. D’autre part, toutes les composantes du système de santé sont affectées. A titre d’exemples, on assiste à une destruction des infrastructures sanitaires, une rupture de la chaine d’approvisionnement en médicaments et consommables médicaux. Concernant les ressources humaines, il y a une démobilisation et une perte du personnel de santé affecté par les traumatismes. La priorité des financements s’oriente vers l’acquisition des armes au détriment du renforcement des services sociaux y compris la santé. A terme, il y a une désorganisation de l’offre de soins qui ne répond plus aux besoins de la population, et qui arrive difficilement à prendre en charge les victimes de la guerre.
Au Mali, aujourd’hui il y a d’une part les rebelles au Nord et la junte militaire au Sud du pays qui sont tous rejetés par la Communauté internationale qui appelle au rétablissement de l’ordre constitutionnel. Les populations sont prises entre les deux forces. Au-delà des sensibilités politiques ou partisanes individuelles, les conséquences générales sur l’état de santé des populations sont évidentes.
Dans la partie Nord du pays vivent essentiellement des bergers nomades dont l’accès aux soins était déjà extrêmement difficile au vu de la faible densité et de la mobilité de la population et de l’insuffisance du personnel de santé. Au Sud, la Junte militaire vient de renverser le Président élu, dissout la constitution et le gouvernement. Seulement, les bailleurs extérieurs ont pour la plupart suspendu leur aide financière au Mali.
En 2010, avec 15 million d’habitants, le Mali avait dépensé 241 milliard US$ pour la santé dont presque un tiers (27%) de ces dépenses provenaient des fonds extérieurs à travers l’aide bilatérale et multilatérale. En plus, 53% de ces dépenses étaient des paiements directs effectués par les patients au moment de l’utilisation. Or les troubles politiques et militaires perturbent les activités économiques et réduisent donc la capacité des patients à payer. La suspension de l’aide va menacer la mise en œuvre des programmes de santé financés par les bailleurs.
Ainsi, la situation est complexe et exige des interventions concertées de la CDEAO, l’Union Africaine et toute la Communauté internationale. La forte progression des rebelles au Nord ne peut s’accompagner que de l’orientation des ressources étatiques déjà insuffisantes pour offrir les services sociaux de base vers l’acquisition des armes. Alors qu’il serait difficile pour cette armée de concurrencer l’important arsenal d’armes récupérés en Lybie par les rebelles.
La junte a mis le doigt sur l’insuffisance du soutien de la communauté internationale à résoudre le problème malien. Il est temps d’aider effectivement le Mali à sortir de cette double crise. Car après le Mali, ce sont tous les pays de la ceinture sahélienne qui seraient menacés. Une Conférence internationale pour la paix au Mali devrait être urgemment organisée par l’ONU pour définir les stratégies de sortie de crise, collecter les moyens nécessaires, et organiser la mise en œuvre des interventions. Au-delà de toute polémique, on a vu le résultat de l’implication de l’ONU et de l’adhésion des acteurs clés internationaux dans le changement en Lybie.
La Mali a besoin d’un soutien identique pour comprendre et résoudre le problème des Touaregs du Nord et rétablir l’ordre constitutionnel. L’appui financier voire militaire est une composante majeure des stratégies d’intervention pour éviter que le Sahel ne devienne instable comme la Région des Grands Lacs.