analyse des politiques de santé en concurrence et perspectives pour les systemes de sante des pays a faible revenus
Meschac G. ATTINWASSONOU, Health Economist, CESAG Sénégal,
&
Basile Keugoung
Le 26 Février dernier, le peuple sénégalais a retenu deux des 14 candidats en course pour la magistrature suprême. Ainsi, le 25 mars, le peuple aura à choisir entre Macky SALL (candidat classé 2ème au premier tour) et le Président sortant Abdoulaye WADE. Nous avons déjà eu la chance de nous renseigner sur les visions de chacun de ces deux candidats grâce notamment à l’excellent article publié précédemment sur ce blog par Mr Morris Kouamé.
Le présent article se propose d’analyser l’implication de ces visions en termes de politique de santé et de prévoir les résultats probables de ces politiques sur la performance du système de santé du Sénégal.
Analyse de la politique du candidat Macky SALL
Le candidat Macky SALL pense que « les coûts de santé prohibitifs pour une population pauvre et sans protection sociale plongent les familles condamnées à renoncer aux soins dans des situations de détresse et de souffrance innommables[1] ». Il promet de mettre fin aux injustices sociales par le biais d’une Couverture Maladie Universelle de Base.
L’Etat (le secteur public) aura donc un rôle important à jouer pour la mise en place de cette politique. Il faut donc s’attendre avec lui à une politique de santé plus équitable qui s’appuierait avant tout sur le développement du secteur public.
La mise en œuvre d’une telle politique nécessite une mobilisation importante de ressources financières à travers la collecte des primes d’assurance. Le candidat prévoit la réduction du train de vie de l’Etat et les prélèvements des activités à forte rentabilité (télécoms ; industries extractives, pharmaceutiques et de tabac ; transactions financières). Compte tenue de l’importance des ressources à mobiliser pour le financement d’une telle politique, on devrait s’attendre à observer des prélèvements fiscaux assez conséquents.
Analyse de la politique du candidat Abdoulaye WADE
La politique du candidat Abdoulaye Wade, vise essentiellement à consolider les acquis et à achever les grandes réformes entreprises relatives à la gratuité des soins pour les personnes âgées à travers le Plan sésame[2], la gratuité des antituberculeux, des antirétroviraux et des accouchements par césarienne, et la baisse du coût des dialyses de 50.000 à 10.000 FCFA (100 $ à 20$.)
Pour cette politique, en dehors des personnes ciblées et qui recevront les soins gratuitement, la santé relève de la responsabilité individuelle et de l’assurance privée. La prise en charge publique concerne essentiellement les groupes vulnérables tels que les plus vieux, les femmes enceintes ou les personnes séropositives.
Ainsi, le système de soins sera caractérisé par une forte présence de la logique privée pour ceux qui ne sont pas ciblées par les mesures de gratuité.
L’action de l’Etat consistera essentiellement à :
- mettre en œuvre un mécanisme d’assurance spéciale pour les pauvres et les nécessiteux à l’image du plan sésame;
- financer l’enseignement et les recherches dans le domaine de la santé ;
- s’occuper des activités hautement spécialisées.
En ce qui concerne la mobilisation des ressources financières pour la mise en œuvre de cette politique, il faudrait s’attendre à une plus grande imposition des classes moyennes et riches pour augmenter les ressources financières de l’Etat afin de financer la gratuité.
Performances probables attendues des deux politiques
En faisant l’hypothèse que les ressources mobilisées par l’Etat sont assez conséquentes pour assurer le financement du système, il faudrait s’attendre à un système de santé équitable en ce qui concerne les soins de base pris en charge par l’assurance maladie.
L’analyse de la politique de santé du candidat WADE, laisse prévoir un système de qui s’intéresse beaucoup plus à certaines cibles dites défavorisées. Toutefois, les classes moyennes présentent également d’énormes difficultés à avoir accès aux soins surtout qu’elles font face au double poids des maladies transmissibles et des maladies chroniques non transmissibles. En plus, ces classes moyennes peuvent être réticentes à payer les impôts pour financer un système de santé dont ils tirent peu de bénéfices.
Perspectives pour les systèmes de santé des pays à faible revenu
Il est important de souligner que quelque soit celui qui sera élu au soir du 25 mars 2012, les ressources financières allouées au système de santé sénégalais doivent être renforcées pour permettre de financer les soins et services de santé. En plus, un système efficace de collecte, de mise en commun des fonds et d’achat des soins de santé doit être développé pour assurer un fonctionnement optimal et continu des services de santé.
Le Niger vient d’organiser une Conférence nationale pour débattre de la crise de la politique de gratuité instituée il y a quelques années. Egalement, plusieurs pays d’Afrique sub-saharienne peinent à mettre en place un système performant d’assurance maladie bien que le Rwanda et le Ghana aient prouvé que cela était possible. Par conséquent, les deux politiques présentent des difficultés opérationnelles majeures qui limitent leur mise en œuvre.
Les classes moyennes et riches doivent être intégrées au processus de prise de décision pour adhérer pleinement à la politique qui va être mise en œuvre, et payer effectivement leurs contributions financières en termes d’impôts et taxes ou de primes d’assurance maladie.
Combiner les deux politiques nous semblent être la voie à suivre pour offrir les soins et prendre en charge les problèmes de santé des sénégalais et des populations dans d’autres pays d’Afrique sub-saharienne. Maintenir des gratuités ciblées pour certaines groupes à risque, instituer des primes d’assurances ( ou de mutuelles) pour des soins de base et enfin lever plus d’impôts pour financer les services de santé et donc réduire la proportion des paiements directs sont les stratégies du futur qui vont au-delà des clivages idéologiques pour offrir l’accès universel aux soins en Afrique sub-saharienne et dans les pays à faible revenu en général.
[1] LE CHEMIN DU VERITABLE DEVELOPPEMENT ; « YOONU YOKKUTE » ; 1 ERE PARTIE : MESURES CLÉS ; LE PROGRAMME PRÉSIDENTIEL DE MACKY SALL ; pp : 19
[2] Stratégie mise en œuvre par le pouvoir en place pour assurer la gratuité des soins pour les personnes âgées de 60 ans et plus au Sénégal.
Bel article. J´adhere á l´idée qu´il soit mise en place une politique de santé publique qui ne privilégie pas une frange de la population soi-disant défavorisée, car la conséquence directe qu´on observera au niveau des autres est le non payement des impots. Lá se pose vraiment la question, oú l´Etat trouvera t- il assez de moyens financiers pour mener á bon terme son projet de soins gratuit promis aux couches défavorisées, d´oú l´importance de d´instaurer un systeme de santé public dans lequel toutes les couches se retrouvent et dans le meme temps promouvoirs celui des organes privés qui doivent avoir pour cible les hommes riches.