Basile Keugoung

La crise économique qui frappe aujourd’hui la Grèce est impitoyable. La dette publique de ce pays est énorme et est supérieure à 150% de son PIB en 2011. En 2010, son PIB était de près de 301,1 milliards US$ avec une population de 11,3 million d’habitants selon la Banque mondiale.Cette dette a amené le FMI, la Banque mondiale, l’Union européenne et d’autres Banques à voler au secours de ce pays pour éviter un défaut de payement. La dernière cagnotte est de plus de 430 milliards US$ (soit plus de 350 milliards €), ce qui représente plus 40000 US$ par habitant. Il est important de louer les efforts que consentiront les autres Etats européens et les Institutions financières pour aider l’économie grecque à se relancer. Les mesures d’austérité draconiennes sont être mises en place par le Gouvernement pour réduire les dépenses publiques et améliorer la gouvernance. En plus, les donateurs auront un suivi régulier et strict de l’utilisation de cette aide.

Les flux d’investissements étrangers directs annuels vers toute l’Afrique étaient de 1,1 milliard US$ dans les années 70, puis 2,2 milliards US$ par an dans les années 80, ensuite 6,2 milliards US$ par an dans les années 90, et enfin de 13,8 milliards par an entre 2000 et 2003 soit 140,4 milliard US$ en 33 ans. Cette somme représentait 1/5 des entrées des capitaux en Afrique soit 702 milliards US$ – donc moins du double du montant du dernier plan d’aide à la Grèce.

Trois éléments pertinents se dégagent de l’approche utilisée pour résoudre la crise grecque. D’abord, l’élaboration par la Grèce d’un plan global de sortie de crise validé par ses bailleurs, ensuite, le volume important de l’argent trouvé en cette période de crise que subissent toutes les économies des pays riches et enfin, la mise en place de mécanismes de gouvernance et de suivi de l’aide.

Par contre, cinq facteurs importants caractérisent l’Investissement étranger direct en Afrique (surtout sub-saharienne) et justifient la persistance du sous-développement et de ses corolaires de pauvreté, de faiblesse des systèmes de santé et du mauvais état de santé des populations.

1-      D’abord, l’aide octroyée aux pays africains avait des coûts de transaction très élevés avec plus du quart de l’aide consommée par l’assistance technique issue du pays donateur et les frais divers.

2-      Deuxièmement, l’aide était et continue d’ailleurs à être utilisée pour des projets à court terme sans développer ou promouvoir un tissu économique nécessaire pour générer des ressources suffisantes et améliorer le niveau de vie des populations.

3-      Du fait de la malgouvernance et de la corruption, l’aide octroyée par les bailleurs retourne souvent dans les comptes privés des dignitaires des régimes ouverts dans les banques des pays riches.

4-      Contrairement à la Grèce où tous les donateurs se sont assis autour d’une table pour mener la réflexion de sortie de crise, l’aide bilatérale est la plus utilisée en Afrique. Car celle-ci permet de maintenir l’influence géopolitique du bailleur sur les pays bénéficiaires sans nécessairement promouvoir l’efficacité des financements octroyés. La Déclaration de Paris sensée corriger ces manquements n’est pas appliquée dans la majorité des pays.

5-      Depuis les politiques d’ajustement structurel, les politiques sectorielles et les Initiatives Pays pauvres Très Endettés (PPTE), l’Afrique sub-saharienne n’arrive toujours pas à décoller et les pays asiatiques qui étaient plus pauvres en 1960 sont devenus aujourd’hui leurs bailleurs de fonds.

La notion de ‘Pays Emergent à l’Horizon 2030 voire 2040’ est aujourd’hui en vogue en Afrique sub-saharienne. Les plans sont élaborés par les pays pour atteindre cet objectif. Sans pour autant être pessimiste, les bases requises – gouvernance, régulation, politique économique, état de droit, investissement externe et interne – pour atteindre cet objectif ne sont pas mises en place dans  la majorité des pays. En effet, la solidarité internationale vers l’Afrique est encore fragmentaire et se limite au financement des programmes spécifiques. Ceci est favorisé par l’absence de politique économique et de gouvernance régionales capables d’influer sur les politiques et les décisions des pays. Et au niveau des pays, même si les politiques sectorielles, les documents de réduction de la pauvreté, et les plans pour devenir pays émergents ont été élaborés, ils ne n’ont été ni appliqués, ni respectés.

Ainsi, développer l’Afrique exige une réflexion profonde sur les stratégies et passerait par des mécanismes régionaux à travers des blocs régionaux (Afrique de l’Ouest, Afrique de l’Est, Afrique du Sud, Afrique du Nord) de contrôle de la gouvernance. Les Institutions régionales devraient être renforcées et se munir de textes et règlements forts qui priment sur la souveraineté des Etats. A travers ces Institutions régionales, un renforcement de la solidarité financière internationale à travers une augmentation significative de l’aide pour l’investissement aurait de meilleurs résultats. Mais les agendas cachés des acteurs nationaux et internationaux resteront la principale barrière à la mise en place de mécanismes efficaces de l’aide et de développement de l’Afrique.

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