Edito: Couverture universelle et inégalité d’accès aux soins en Afrique sub-saharienne

La grande nouvelle de ce mois d’août est venue de l’Afrique du Sud, où le gouvernement a définit son plan directeur pour l’introduction d’une couverture maladie universelle. Un projet pilote débutera dans 10 régions du pays à partir d’avril 2012 et s’étendra progressivement pour couvrir tout le pays durant les 14 prochaines années.

Une des dispositions fondamentales que peut prendre un pays pour assurer l’équité dans le domaine de la santé, c’est de s’orienter vers la couverture universelle (assurer à la population une protection sociale qui lui permette d’avoir un accès universel à une partie ou à l’ensemble des services de santé dont elle a besoin). La réforme pour assurer une couverture universelle est une initiative politique audacieuse visant à plus d’équité en matière de santé, pour assurer des prestations accessibles et des soins de qualité à ceux qui en ont besoin sans les exposer à des dépenses catastrophiques.

Depuis quelques années, le Rwanda fait figure d’exemple en Afrique-subsaharienne. En 2006, la subvention des cotisations des indigents dans ce pays est devenue une politique nationale.
Le Ghana lui aussi a instaurer une loi sur l’assurance-santé nationale. Et dans le souci d’équité, cette loi affranchit les plus pauvres de participer à la cotisation.

En elle même, la couverture universelle ne suffit pas à assurer la santé pour tous et l’équité des prestations – dans les pays où existe une couverture universelle ou quasi universelle, des inégalités demeurent–, mais elle en constitue le fondement indispensable. Cela permet de lever une bonne partie des obstacles à l’utilisation des services et de réduire le risque, pour ceux qui tombent malades, d’avoir à régler des frais catastrophiques. Enfin, cela permet de réinvestir dans l’offre, la diversité et la qualité des prestations et des services. De telles politiques de santé publique, bien conçues, peuvent ainsi réduire les inégalités lorsqu’elles offrent des avantages pour la santé des populations entières ou lorsqu’elles donnent explicitement la priorité à des groupes en mauvaise santé.

En choisissant une voie vers l’assurance maladie universelle, il estimportant de vérifier si celle-ci rejoint vraiment les plus vulnérables au plan de l’accès financier aux soins. Les niveaux de cotisation doivent bien refléter les niveaux de richesse. L’utilisation des services de santé dépend de nombreux facteurs. Beaucoup sont hors du contrôle des assurances. Mais certains tiennent à des modalités de fonctionnement des assurances qui laissent persister des obstacles financiers.

Il est de ce fait important de distinguer au moment de la mise en place de mécanisme assuranciel universel, parmi les dispositions destinées à favoriser l’adhésion, celles qui répondent aux besoins des très pauvres d’une part, et d’autre part, avoir conscience que les dispositions pour réduire les obstacles à l’utilisation des services de santé ne doivent pas uniquement cibler les obstacles internes aux assurances mais aussi les obstacles externes qui sont très souvent négligées. En amont de tout ceci, le problème de base étant couramment l’insuffisance dans la mise en œuvre. Car malgré les efforts louables des gouvernements, la mise en œuvre est habituellement précipitée, les ressources nécessaires inadéquatement planifiées et dégagées, et le suivi non assuré.

N’hésitez pas à nous donner votre point de vue.
Bonne lecture
Isidore Sieleunou


 

Politique de santé mondiale

1. UN High-Level Meeting on Non-Communicable Diseases: addressing four questions

Robert Beaglehole, Ruth Bonita, George Alleyne et al. for The Lancet NCD Action Group ;  Article ici
Les maladies non transmissibles (MNT), principalement les maladies cardiaques, les accidents vasculaires cérébraux, le cancer, le diabète et les maladies respiratoires chroniques, sont une crise mondiale qui exige une réponse mondiale.  En dépit de la menace pour le développement humain, et la disponibilité des interventions abordables, coût-efficaces, et réalisables, la plus part des pays, les agences de développement, et les fondations négligent la crise. Le sommet de haut niveau de l’ONU (SHN ONU) sur les MNT en septembre est une opportunité pour stimuler une réponse mondiale coordonnée aux MNT, qui soit en rapport avec ses conséquences sanitaires et économiques.
Pour atteindre les promesses du sommet, plusieurs questions doivent être abordées. Dans cet article, Beaglehole et al. présentent les réalités de la situation en répondant à quatre questions fondamentales : (1) y’a-t-il vraiment une crise mondiale avec les MNT ; (2) comment est-ce que les MNT sont un problème de développement, (3) existent-il des interventions abordables et coût-efficaces ; et (4) avons-nous réellement besoin d’un leadership et d’une redevabilité de haut niveau ?
Pour les auteurs, les actions contre les MNT renforceront d’autres priorités de santé mondiale et le développement. Le succès du SHN ONU dépendra des chefs d’Etats et de gouvernements participant à la rencontre et de leurs engagements à l’action. Le succès à long terme requiert un leadership national et international inspiré et engagé.

2. International Dental Journal – Global Public-Private Health Partnerships: lessons learned from ten years of experience and evaluation

Kent Buse, Sonja Tanaka ; Article ici
Les partenariats en santé mondiale (PSM) ont contribué de manière significative à l’amélioration des résultats de santé mondiale ainsi que sa gouvernance. Pourtant, dans un contexte de paysage sanitaire mondial de plus en plus complexe, de rareté des ressources et d’une évolution d’approche de contrôle des maladies vers un renforcement des systèmes, il est important de continuellement améliorer et appliquer notre compréhension de la façon d’améliorer la performance des PSM. Les auteurs ont examiné et synthétisé les résultats de huit évaluations indépendantes de PSM ainsi que des projets de recherche menés par eux au cours des dernières années, parmi lesquels le plus récent avait impliqué des discussions semi-structurées avec  20 « pionniers du partenariat ».
Cet article présente les principales tendances du PMS, passe brièvement en revue les importantes contributions du PSM dans la santé mondiale, et énonce les conclusions communes de ces évaluations des instruments de la gouvernance mondiale de santé.
Le document répond à la question de savoir comment améliorer la performance des PMS en référence à une série de leçons qui émerge de ces dix dernières années d’expérience. Ces leçons couvrent sept domaines que sont : (1) la valeur ajoutée et l’orientation des niches, (2) les ressources appropriées des secrétariats, (3) les pratiques de gestion, (4) les pratiques de gouvernance, (5) s’assurer que les intérêts divergents soient atteints, (6) le renforcement des systèmes, et (7) l’auto-amélioration continue.
Toutes les réflexions critiques y compris celle-ci viseront à informer « quel est le prochain » agenda pour le développement du PMS.

3. AFGH – AID EFFECTIVENESS : progress and the status quo of democratic ownership and meaningful civil society participation in the health sector

actionforglobalhealth.eu/blog
Avec les préparatifs du forum de Busan qui s’intensifieront les mois à venir, AfGH a lancé son plus récent rapport sur la participation significative des organisations de la société civile (OSC) dans le secteur de la santé. Le rapport explique comment améliorer la participation des OSC afin d’assurer une approche inclusive du principe d’appropriation. Rapport PDF (2,85 Mb)

4. Will the health Systems Funding Platform Coordinate or Complicate

Amanda Glassman & William Savedoff.; blogs.cgdev.org
Glassman and Savedoff fournissent un résumé de leur document que nous avons présenté la semaine dernière.

. DIE -Call for papers – A new global development agenda after 2015

Site web de la conférence de la DIE
Nous sommes heureux d’inclure cet appel à communication dans notre sélection. Les organisateurs insistent pour avoir assez d’experts du secteur de la santé. Lors de cette conférence, quatre questions seront abordées : (1) un nouveau programme de développement mondial après 2015 est-il nécessaire, (2) quels sujets et quels objectifs doit prendre en compte cet agenda, (3) comment les progrès vers ces objectifs doivent-ils être mesurés, et (4) à quoi devrait ressembler le processus de conception d’un tel agenda ?
Le délai de soumission des résumés est fixé au 1er septembre 2011.

6. GFO – Global Fund Reports Sharp Drop in ACT Prices in Two AMFm Countries

aidspan.org/
Selon les données compilées par le Fonds Mondial depuis l’introduction du programme dénommé Fond pour des Médicaments Antipaludéens à des Prix Abordables (AMFm), le coût moyen des ACT dans les pharmacies privées à chuté d’environ 90% dans certaines régions du Kenya et d’environ 40% à 90% au Ghana, les deux premiers pays à participer au programme.
L’AMFm est un mécanisme visant à élargir l’accès aux ACT par le secteur privé en réduisant les coûts des médicaments ACT, et en veillant à ce que les activités supplémentaires, telles que les campagnes d’information publique, soient effectués. L’AMFm est actuellement testé dans huit pays – Cambodge, Ghana, Kenya, Madagascar, Niger, Nigeria, Tanzanie (continentale et Zanzibar) et Ouganda.

7.  Owen Abroad – Famine and drought

Owen Barder; owen.org
Owen Barder donne sa perspective sur la situation dans la corne de l’Afrique. Pour lui, la situation est vraiment mauvaise. Il est temps de donner un peu d’argent si vous pouvez. Selon Barder, la famine n’est pas à mettre sur le compte de la sécheresse ou à des conditions naturelles, elle est d’origine humaine.

Le site AlertNet a publié un article de George Fominyen demandant pourquoi personne ne tourne les oreilles vers le Niger qui pourtant a un niveau alarmant de malnutrition.

VIH SIDA

8. Retention in HIV Care between Testing and Treatment in Sub-Saharan Africa

http://www.plosmedicine.org/article/info%3Adoi%2F10.1371%2Fjournal.pmed.1001056
Les résultats de cette étude de Rosen et Fox suggèrent qu’il y’a une perte substantielle des patients VIH-positifs à chaque étape précédent le traitement aux ARV en Afrique sub-saharienne. Ainsi, une proportion des personnes testées VIH+ ne revient jamais pour les résultats de leur CD4, certaines disparaissent entre la numération initiale de leur CD4 et l’admissibilité aux ARV, et d’autres ne parviennent pas à entamer les ARV après avoir été jugées admissibles à un traitement.
Améliorer les résultants des programmes ARV dans les pays à ressource limitée requiert ainsi un ancrage adéquat entre les stratégies de suivi des patients testés HIV+ et ceux du pré- traitement et de la rétention sous ARV.

Vaccins & maladies infectieuses

9. Addressing the vaccine confidence gap

Heidi J Larson, Louis Z Cooper, Juhani Eskola, Samuel L Katz, Scott Ratzan ;
http://bit.ly/q3zizB
Les vaccins – souvent vantés comme l’une des plus grandes interventions de santé publiques – sont entrain de perdre la confiance du public. Certains spécialistes ont fait référence à cette baisse de confiance comme une crise. Les auteurs discutent quelques unes des caractéristiques de l’environnement mondial en évolution qui contribuent à une croissante augmentation des questionnements sur le vaccin et décrivent certains des déterminants spécifiques de la confiance du public. La décision du public d’accepter ou non le vaccin n’est tirée des preuves ni scientifiques, ni économiques uniquement, mais entrainée par un mélange de facteurs psychologiques, socioculturels et politiques, qui ont tous besoin d’être compris et pris en compte par les politiques et les autres décideurs. La confiance du public aux vaccins est très variable et repose sur la compréhension des perceptions des vaccins et leurs risques, les expériences historiques, les affiliations religieuses ou politiques, et le statut économique. Bien que des informations précises sur les preuves scientifiquement établies des bénéfices/risques des vaccins soit cruciales, elles ne sont pas suffisantes pour solutionner l’écart entre les niveaux actuels de confiance du public aux vaccins et les niveaux de confiance nécessaires pour assurer une couverture vaccinale adéquate et soutenue.
Larson et al. appellent à davantage de recherches non seulement sur les déterminants individuels de la confiance du public, mais sur quelles combinaisons de facteurs sont les plus susceptibles de soutenir cette confiance. La communauté vaccinale exige des preuves rigoureuses sur l’efficacité et la sécurité du vaccin, la faisabilité opérationnelle et technique lors de l’introduction de nouveau vaccin, mais a été négligente lorsqu’il a fallu aussi exiger des recherches rigoureuses pour comprendre les facteurs psychologiques, sociaux et politiques qui affectent la confiance du public aux vaccins.

Ehealth

10. India To Use Mothers’ Mobile Phones To Track Child Immunizations

India Real Time
Le Kaiser Daily rapporte que le ministre de la santé Indien a annoncé une nouvelle initiative en cours qui vise à relancer le taux de vaccination des enfants en répertoriant  les numéros de téléphone mobile des femmes enceintes pour ensuite en utiliser pour suivre la vaccination de leur enfant

Recherche

11. MEDICC – Health Systems in an Interconnected World: A View from Nigeria

Seye Abimbola MD MPhil: medicc.org
Abimbola discute des avantages d’un monde interconnecté pour les soins de santé qui demeurent inexploités. En raison de la politique de l’inégalité entre pays riches et pays pauvres, quelques systèmes de santé se sont développés comme des modèles. Chaque pays, indépendamment de son statut économique ou politique, devrait être ouvert à l’apprentissage des autres pour construire des systèmes pertinents et efficients.
Pour lutter contre le défi mondial actuel des maladies chroniques non transmissibles, les pays pauvres ont l’avantage d’avoir des systèmes de santé flexibles qui sont de véritables laboratoires de la recherche en système de santé. Les recherches effectuées dans ces systèmes de santé peuvent non seulement aider à exploiter le potentiel des nouvelles technologies de communication et les prestataires informels de santé, mais aider également les systèmes de santé des pays riches à s’adapter pour relever le défi des maladies chroniques.

Cet article d’Abimbola est inclus dans un numéro spécial du MEDIC qui regroupe un certain nombre de papier présenté au cours du premier symposium mondial sur la recherche sur les systèmes de santé.

Walter Flores qui est plutôt un « talent émergent » contribue à un autre article sur la recherche-action participative.

12. Lancet – Sharing research data to improve public health: a perspective from the global south

Osman Sankoh, Carel IJsselmuiden, 25 others; article ici
Commentant un article de Mark Walport et Paul Brest publié en février de cette année, les auteurs apportent une perspective du sud sur l’idée du partage des données de recherche. Pour Sankoh et al. les chercheurs dans le sud doivent être protégés.

Développement & Aide

13. Chronicle of a famine foretold

http://www.economist.com/node/21524864
Après la famine de 1985 en Ethiopie, l’agence d’aide américaine a mis sur pied un Réseau de Système d’Alerte Précoce de la Famine (FEWS Net) pour prévenir la survenu des catastrophes.
Depuis novembre, FEWS Net a sonné l’alarme d’une menace de la famine en Somalie mais rien n’a bougé jusqu’à ce que les caméras de télévision projettent des images insoutenables des enfants meurtris. Pour le personnel des agences d’aide, ils craignaient tout simplement d’être critiqués par le public et leurs propres patrons s’ils dépensaient des ressources rares avant qu’il y ait un tollé. Le résultat est que les donateurs ignorent souvent leurs propres alertes précoces.

Gouvernance mondiale

14. Donors continue to hold back support from Global Fund

Ann Danaiya Usher ; The Lancet http://bit.ly/pnv1Os
Le Fonds Mondial reste en deçà des millions de dollars par rapport à ce dont elle a besoin pour fonctionner. Cette situation est liée au fait que des gouvernements continuent de refuser de contribuer suite aux allégations de corruption dans certains pays.

Lettre éditée par Isidore Sieleunou

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One Response to IHPN 128 & 129 Fr – Politiques Internationales de Santé.

  1. Christian Darras says:

    Améliorer le financement des soins de santé pour s’orienter vers la couverture universelle est certainement une décision politique qu’il faut féliciter et qui va dans le sens du dernier rapport de l’OMS. A ce sujet, on présente généralement comme équivalents les deux modalités de financement, via les impôts ou via les cotisations. Je crois qu’elles ne sont pas équivalentes, si l’on prend en compte la possibilité d’une privatisation, non des services de santé eux-mêmes, mais des fonds d’assurance. En effet, l’établissement d’un enregistrement de la population auprès d’un système public d’assurance peut être le premier pas vers le transfert de ce registre au privé, avec la segmentation du marché qu’on observe dans différents pays: fonds d’assurance privés pour les classes riches et jeunes (avec des soins de “qualité”) et un fonds public pour le reste de la population. On peut bien sûr argumenter un rôle de contrôle de la part de l’Etat pour éviter ces dérives. Ce rôle est cependant en partie illusoire, dans la mesure où les fonds privés qui gèrent des sommes importantes, disposent de personnel plus nombreux et, surtout, de toutes les données opérationnelles qui les rendent mieux armés que les fonctionnaires publics. C’est la même situation que le recouvrement des impôts dus par les grandes sociétés. Un dernier élément à prendre en compte: les fonds privés d’assurance sont gérés par de grands consortiums liés au monde de la finance, qui gèrent les flux financiers sur une base mondiale et dont la fin est la génération de bénéfices, non la santé de la population d’un pays donné. Le financement via les impôts permet d’échapper à ces risques et maintient le financement comme une composante de la politique de santé, non comme un élément indépendant.

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