Editorial : Initiative d’éradication de la poliomyélite: et si les communautés participaient autrement
Auteur : Richard FOTSING, MD, MPH, Ministère de la santé publique, Cameroun, Consultant STOP TEAM
L’Afrique subsaharienne est plus que jamais confrontée au défi de l’éradication de la poliomyélite. En effet, malgré les nombreux efforts déployés dans le cadre de ce programme, elle reste au centre des préoccupations notamment avec la résurgence des cas de poliomyélite à poliovirus sauvage (PVS) dans de nombreux pays jadis déclarés exempts de cette maladie.
C’est ainsi que du 1er janvier au 07 juin 2011, 74% des 205 cas de PVS dans le monde provenaient de la région Afrique de l’OMS. Les pays non endémiques africains hébergeaient 93% des 151 cas de cette Région (OMS 2011). La mauvaise qualité des campagnes de vaccination contre la poliomyélite, les faibles performances de la vaccination de routine et du système de surveillance, sont responsables de cette situation.
En plus des insuffisances liées à l’offre des services de vaccination, les bénéficiaires tardent à s’approprier les actions de lutte contre la poliomyélite. En routine, la demande des services de vaccination est insuffisante, et lors des activités de vaccination supplémentaire (AVS), toute la cible n’est pas couverte. Les résistances et refus sont de plus en plus nombreux et rarement les populations se plaignent de l’absence de visite de leur ménage/quartier par les équipes de vaccination. Malgré les actions de sensibilisation et de mobilisation sociale, cette situation perdure et à l’issue de chaque campagne de vaccination, un nombre important d’enfants ou de personnes reste toujours non vacciné. Les populations se lassent et ne comprennent pas toujours le fondement de la multiplicité des campagnes de vaccination. Cette vaccination reste perçue pour certains comme une affaire des autorités sanitaires et gouvernementales. Les approches utilisées jusqu’alors pour susciter la demande ou l’acceptation des services de vaccination devraient donc être questionnées.
L’une des approches utilisées est la participation communautaire, malheureusement cette participation n’est conçue qu’en termes de contribution des populations à l’offre des services de vaccination, à la mobilisation sociale et des ressources. Les professionnels de santé restent dominants et prennent unilatéralement la plupart des décisions lors de la planification, de l’organisation, de la mise en œuvre et de l’évaluation des activités de vaccination. Cette approche de participation qualifiée d’utilitariste est peu propice à l’appropriation et à la pérennisation des actions de santé (Rifkin et Kangere 2003).
Une nouvelle approche de participation communautaire s’impose donc. L’approche dite de « capacitation » trouve ici toute son indication car elle permet aux populations de prendre conscience de leurs problèmes de santé, d’en identifier les causes et d’en rechercher activement les solutions (Pérez et al. 2009). Deux notions clés sont indispensables dans cette approche : le partage des informations et l’implication des communautés dans tout le processus de gestion du programme. Pour traduire ce concept en actions, les professionnels de santé devraient travailler avec les structures de représentation des communautés. En Afrique subsaharienne, la multiplicité des partis politiques, des confessions religieuses, des associations de la société civile, etc offre l’opportunité d’une diversification des représentants communautaires indispensables pour une réelle participation. Impliqués dans tout le processus de gestion des interventions de lutte contre les problèmes de santé, les acteurs communautaires seraient redevables des résultats de ces interventions. Dans le cadre de l’Initiative d’éradication de la poliomyélite, les professionnels de santé devraient donc partager les informations sur ce programme avec les représentants de la communauté et les impliquer activement à tous les niveaux, depuis la planification, la mise en œuvre jusqu’à l’évaluation des interventions visant à atteindre cet objectif. Ainsi la lutte contre la poliomyélite ne serait plus la responsabilité des gouvernements et des autorités sanitaires, mais l’affaire de tous.

Suivez ce lien pour obtenir les références.

Avec la collaboration de Basile Keugoung et Isidore Sieleunou
Ce point de vue a été publié comme éditorial de la lettre d’info Politiques de santé internationales n°120 le 22 juin 2011.

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3 Responses to Initiative d’éradication de la poliomyélite: et si les communautés participaient autrement

  1. Kone Fatou says:
  2. Anonymous says:

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