Dr Kamga Simo Cyrille, Direction de l’Organisation des Soins et de la Technologie Sanitaire, Ministère de la Santé Publique, Cameroun ; ckamgasimo@yahoo.fr

Des épidémies récurrentes frappent les populations dans les pays à faible et moyen revenus. Ceci est la conséquence des faibles capacités de leurs systèmes de santé à répondre à leurs besoins. Toutefois, la résilience des systèmes de santé dépend aussi de la capacité des populations à prévenir, à détecter et à riposter aux épidémies et autres évènements de santé publique. En effet, la connaissance des risques sanitaires majeurs, de leur mode de transmission et des facteurs de risque y afférents par les populations est un élément majeur pour une réponse optimale. La participation communautaire a toujours été prônée et recommandée dans la mise en œuvre des interventions de santé. Elle est considérée comme l’une des conditions majeures de réussite d’un projet ou de résolution des problèmes de santé. Deux principaux types de participation communautaire ont été décrits dans la littérature :

  • Le modèle orienté vers les objectifs (target-oriented)
  • Le modèle orienté vers la capacitation (process-oriented)

Il convient de noter que les limites entre ces deux modèles ne sont pas étanches et il pourrait avoir une variété de modèles qui combinent à des degrés divers des éléments clés des deux modèles principaux.

Modèle orienté vers les objectifs (target-oriented)

Dans ce modèle, la participation communautaire est orientée vers la mise en œuvre des activités ponctuelles en relation avec des programmes spécifiques de santé. Parfois, elle est sollicitée de façon réactionnaire pour rechercher l’adhésion des bénéficiaires à des interventions déjà conçues par les professionnels de santé. Ce modèle peut être comparé à une liste des « do » et « do not » c’est-à-dire des mesures « à exécuter » ou « à ne pas faire » par les bénéficiaires. Par exemple, se laver les mains avant de manger, utiliser les latrines ou éviter de boire l’eau de la rivière. Les populations jouent un rôle beaucoup plus passif dans la prise de décision. Par contre, le professionnel de santé joue un rôle central et décide de ce qui est bon ou mauvais. Il est convaincu qu’il met son expertise biomédicale au service des communautés qui ne maitrisent pas les causes de leurs problèmes de santé. Le modèle orienté vers les objectifs permet de rechercher des résultats rapides et à court terme sous la guidance et/ou la supervision des professionnels de santé. Il est également indiqué dans des situations d’urgence où le plus important est de lever les problèmes pour sauver les vies. La participation est passive et dépend donc de la volonté des individus à mettre en œuvre les activités requises. La planification et la prise de décisions sont largement dépendantes des professionnels de santé.

Modèle orienté vers la capacitation (process-oriented)

Ce modèle est orienté vers le renforcement des capacités (empowerment) des populations. Il est décrit comme étant plus complet et permet à terme aux communautés de prendre des initiatives pour mener des activités qui répondent à leurs besoins de santé.

Par conséquent, l’information et la connaissance sont les préalables majeurs dans ce modèle pour une participation communautaire efficace. Ces préalables permettent aux populations de prendre des décisions informées et éclairées. Les activités sont définies par les populations elles-mêmes pour résoudre des problèmes qu’elles ont identifiés et elles s’impliquent activement dans la mobilisation des ressources locales. Les professionnels de santé jouent ici le rôle d’appui à travers un accompagnement technique et financier. La participation est dite interactive à travers des analyses conjointes qui aboutissent à la formulation des plans d’action, à la mise en place d’un contexte organisationnel favorable pour soutenir la mise en œuvre et la pérennisation. Les professionnels de santé et les bénéficiaires se mettent ensemble pour mener les différentes étapes du processus de résolution du problème de santé depuis la planification, la mise en œuvre jusqu’à l’évaluation. Cette approche participative facilite donc la capacitation (empowerment) locale et sur site en créant des opportunités d’accès aux ressources locales ou externes. Des relations horizontales sont créées entre les deux parties qui apprennent mutuellement.

Lutte contre les épidémies : nécessité d’une combinaison des deux modèles

Les épidémies sont des urgences de santé publique. Elles nécessitent une réponse rapide pour circonscrire le foyer épidémique, prendre en charge les cas et arrêter la propagation. Les interventions doivent être rapides et ciblées. Un accent doit être mis dans la mise en œuvre des directives spécifiques de prévention (surveillance) et de contrôle de l’épidémie par tous les acteurs. Ainsi, une approche centrée sur les objectifs est requise. Elle est fondée sur le principe que l’épidémie peut être une situation nouvelle, et même si elle est récurrente, elle génère une plus grande souffrance voire une panique au sein des populations. Les comportements des individus vont dépendre des expériences antérieures ou de leur perception du problème de santé. Il est donc important d’agir rapidement pour corriger les écarts et encourager les bonnes pratiques.

Progressivement, il faut développer la participation orientée vers les processus (la capacitation). Ceci facilite la compréhension des mesures qui sont recommandées d’autant plus que certaines de ces mesures peuvent être contraires aux pratiques sociales et culturelles. L’intérêt est d’accompagner les communautés pour générer de nouveaux savoirs, renforcer les pratiques positives et adapter ou corriger les facteurs de risque de propagation de l’épidémie. Ici, il s’agit à terme que les populations intègrent les mesures de lutte dans les normes sociales et culturelles communautaires et puissent arriver à l’appropriation (ownership).

Nos stratégies de lutte contre les épidémies (voire de réponse à d’autres problématiques de santé) doivent être analysées en utilisant ce cadre de participation communautaire afin de les adapter. L’objectif final est de garantir l’appropriation de la réponse par les communautés bénéficiaires.

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