Par ASSOUMANA Hadja, Directeur CHR Tahoua- République du Niger
Je suis Directeur du Centre Hospitalier Régional (CHR) de Tahoua (Niger) depuis 2013. Du fait du recours tardif aux soins, les patients arrivaient en urgence dans un état grabataire et dépourvus des moyens financiers suffisants. L’insuffisance de ressources au niveau des hôpitaux, combinée au système de paiements directs des soins par les usagers ne facilitaient pas la prise en charge des urgences. Ceci avait pour conséquences une augmentation du taux de décès intra hospitaliers, la frustration des agents et la méfiance de la population vis à vis de l’hôpital.
Quand j’ai pris service au CHR de Tahoua en 2013, les dossiers médicaux n’étaient pas institutionnalisés. Par conséquent, il était difficile de faire une auto-évaluation des pratiques et de la mise en œuvre des normes de soins.
Je me suis posé beaucoup de questions parmi lesquelles :
- Est-il possible d’améliorer la situation dans ce contexte ?
- Sur quels éléments les agents s’appuieront-ils de manière pérenne et intégrée pour prendre leurs décisions professionnelles en vue de renforcer l’application des normes ?
Mise en place des dossiers médicaux
J’ai proposé à l’équipe de l’Hôpital la création du dossier médical dès le Service d’accueil et des urgences. J’ai mis en place une équipe de suivi constituée des Médecins, Infirmiers et autres prestataires des différents services.
Mon hypothèse était que les dossiers médicaux pourraient être utilisés comme un outil d’audit des pratiques, de suivi et d’évaluation des activités hospitalières et enfin d’apprentissage. Le dossier médical a été conçu et validé par l’équipe de pilotage.
Ainsi, chaque prestataire collecte les données de façon passive et les coachs effectuent une collecte active mensuelle pour vérifier l’application des normes et l’introduction de nouveaux changements dans le processus de prise en charge des patients.
Elaboration d’ordinogrammes de prise en charge
En outre, nous avons élaboré un document de normes de prise en charge des affections les plus courantes suivies. Ces normes étaient contextualisées et adoptées de façon consensuelle avec l’équipe. Des grilles d’évaluation ont aussi été élaborées.
Revues des performances
Des réunions mensuelles de revue des performances sont organisées pour discuter du remplissage des dossiers médicaux ainsi que des défis rencontrés et des solutions sont proposées et mises en œuvre pour améliorer la qualité des données. Les coachs présentent les résultats de l’évaluation des pratiques et du respect des normes en présence de tout le personnel. En fonction des problèmes identifiés, des besoins en formation sont identifiés et des formations in situ sont organisées pour renforcer les capacités du personnel.
Evaluation du processus
Quatre (04) ans après la mise en œuvre de cette Initiative, nous avons procédé à son évaluation. Nous nous sommes basés sur les données collectées de façon passive par les agents après l’introduction du dossier médical et de façon active mensuellement par les coachs. L’objectif des coachs était de vérifier l’application des normes chaque mois et l’introduction de nouveaux changements dans le processus de prise en charge.
Les données ont été collectées au travers de la revue documentaire et des interviews des prestataires. Les documents revus étaient des dossiers médicaux, des ordinogrammes (normes consensuelles et contextualisées de prise en charge des affections suivies), des documents de revue des normes (grilles d’analyse et de vérification des critères de prise en charge selon les normes).
Quels sont nos résultats préliminaires ?
Plusieurs changements ont été enregistrés. Il y a d’abord la satisfaction du personnel de participer à l’amélioration de la prise en charge des patients. De plus, il y a eu le renforcement du travail en équipe, la planification et la réalisation à 100% des réunions de revue de performance, l’adoption par tout le personnel de la culture de la gestion axée sur la performance, et le meilleur suivi des activités. Par ailleurs, le développement des compétences des agents a été effectué. Le taux de rupture des médicaments essentiels traceurs est passé de 22% à 0,7%. Concernant les patients, le taux de décès dans les 24 premières heures est passé de de 17% à 3,2%.
Conclusion
Les processus d’amélioration de la qualité des services et des soins sont possibles dans des contextes à ressources limitées. Ces processus ne nécessitent pas toujours des ressources additionnelles. Ces processus nécessitent plutôt un fort leadership des gestionnaires de services pour mettre en place une vision partagée et une culture d’amélioration des performances.
Toutefois, un appui de ces initiatives locales permettrait d’accompagner l’équipe et de lever d’autres défis opérationnels liés à l’insuffisance des ressources.