Par Dr Noel Nahounou, Abt Associates, Côte d’Ivoire

Lors de l’atelier de Cotonou organisé du 16 au 18 décembre 2015 sur le système d’information sanitaire, de nombreux participants avaient promis de partager leurs expériences avec tous les membres de la CoP PSS à travers des blogs et des éditoriaux. Dr Noel Nahounou qui était par ailleurs très actif lors de cet atelier a le maillot jaune. Dans un éditorial, il fait le constat que nous avons aujourd’hui des outils conceptuels pour piloter nos districts de santé  et les rendre performants. Comme le mois de janvier est celui des vœux, il formule le sien pour son pays la Cote d’Ivoire dans l’éditorial de cette semaine.

Une volonté politique

PIS286Le fonctionnement optimal du système de santé et l’amélioration de la santé des populations constituent des préoccupations majeures du gouvernement ivoirien. Dans son adresse à la Nation du 31 Décembre 2015, le Président de la République de Côte d’Ivoire a fait les annonces suivantes relatives à notre système de santé : «Nous poursuivrons nos efforts pour vous offrir des infrastructures et des services de santé de qualité, accessibles à tous. J’invite donc tout le corps médical à redoubler d’efforts en 2016, afin d’assurer une meilleure prise en charge des patients en leur apportant plus d’attention ».

Déjà en 2013, décrétée « Année de la Santé », Madame la Ministre de la Santé et de la Lutte contre le Sida faisait le constat suivant, lors de son discours d’orientation de l’action sanitaire: «Sur le plan de l’organisation du système de santé, la Côte d’Ivoire a opté, depuis 1994, pour la structuration en districts sanitaires, après avoir développé, par ailleurs, la stratégie des soins de santé primaires/Initiative de Bamako. Cependant, bientôt vingt (20) ans après, la problématique de l’opérationnalisation des districts sanitaires reste entière.»

Je me rappelle avec beaucoup d’émotion qu’en 1996, alors tout jeune Médecin-Chef de District (MCD), le Ministère de la Santé avait organisé, à Yamoussoukro, avec l’appui technique et financier de Partenaires (PTF) tels que l’OMS, l’UNICEF, la GTZ et le Gie EPIGEPS, un atelier de consensus sur le district sanitaire. Cette rencontre avait enregistré la participation d’experts de santé publique de renommée mondiale au nombre desquels un monument comme le Professeur Van Balen de l’Institut de Médecine Tropicale d’Anvers. A l’issue des échanges, un consensus avait été dégagé sur le concept du district sanitaire en Côte d’Ivoire et sur la composition et les missions de l’Equipe Cadre de District (ECD). Cette rencontre a été un véritable cours d’initiation pour surtout pour des jeunes MCD comme moiqui étions au début de notre carrière.

L’opérationnalisation complète des districts sanitaires constitue indéniablement une préoccupation du gouvernement ivoirien, comme le déclarait Madame la Ministre de la Santé au cours de l’intervention citée plus haut: «De l’efficacité des équipes des districts sanitaires dépend l’amélioration sensible des indicateurs de santé. La restauration ou le renforcement de la capacité opérationnelle des districts sanitaires est une préoccupation majeure. Il faudra redéfinir le cahier de charge des districts sanitaires.»

Des leçons et des expériences des Communautés de Pratiques

La Conférence de Dakar sur les 25 ans du district sanitaire en Afrique sub-saharienne a formulé 12 points d’action prioritaires pour recentrer le district de santé sur les préoccupations et les attentes des populations. Une analyse des systèmes d’informations sanitaires (SIS) faite lors de l’atelier de Cotonou (organisé du 16 au 18 décembre 2016 par la CoP PSS) a montré que ces derniers sont plutôt orientés vers une logique de transmission des données à la hiérarchie. Il est temps de mettre en œuvre toutes les leçons apprises à Dakar et à Cotonou au niveau des systèmes de santé nationaux.

Mon vœu pour le système de santé en 2016

Pour la Côte d’Ivoire, Je formule le vœu  qu’une rencontre soit organisée en 2016 avec l’appui des PTF et des Communautés de Pratique (CoPs)pourrevisiter la situation du district sanitaire. Cette rencontre serait l’occasion de permettre aux différents acteurs du système de santé ivoirien et d’autres experts venus d’ailleurs de faire le bilan de la mise en place du district de santé, d’en tirer les leçons et de définir le cas échéant un nouveau consensus sur les stratégies de sa mise en œuvre optimale.

Les CoPs rassemblent aujourd’hui des milliers d’experts diversifiés (chercheurs, décideurs, gestionnaires, consultants, bailleurs…) qui peuvent être facilement mobilisés pour aider nos systèmes de santé à devenir performants.

Je me pose certaines questions que je trouve centrales et qui feront l’objet de débat lors de la rencontre :

  • La superposition du district sanitaire au département (unité administrative) est-elle toujours d’actualité ? Qu’en est-il des villes d’Abidjan et de Bouaké qui abritent plusieurs districts sanitaires, ou plus globalement comment adresse-t-on la problématique des districts sanitaires urbains ? Faut-il définir un profil spécifique au MCD ?
  • Comment développer les capacités des établissements sanitaires de premier contact pour qu’ils assurent effectivement la couverture des besoins des soins de santé primaires ?
  • Quelle capacité faut-il aux ECD pour développer des districts de santé performants et intelligents ?
  • Quels sont les mécanismes de redevabilité à mettre en place pour permettre aux gestionnaires du système de santé de rendre compte de leur gestion aussi bien programmatique que financière ?

Cette rencontre pourrait aussi être l’occasion d’adresser les différents défis auxquels notre système de santé fait face, notamment la problématique de la gouvernance, de l’accès financier des populations aux soins et du partenariat avec les autres ministères et acteurs dont les interventions sont capitales pour l’amélioration de la santé.

Définir une nouvelle vision

A l’issue de la rencontre, on définira une nouvelle vision, un cadre institutionnel du district sanitaire ainsi que les moyens de la mise en œuvre. Ainsi, ces documents serviront de boussole pour tous les décideurs et les gestionnaires ainsi que les PTF et d’outils d’évaluation de la performance.

J’ai la ferme conviction qu’aussi bien les Communautés de Pratique que les PTF traditionnels seraient prês à apporter assistance technique et financière pour l’organisation d’une telle rencontre. En effet, ces acteurs souhaitent que les districts soient performants afin que les systèmes de santé atteignent les Ojectifs de Développement Durable.

A l’occasion de ce nouvel élan, nous devons parler davantage du District Sanitaire et le rendre performant.

 

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2 Responses to Edito – Côte d’Ivoire : Si chacun parlait (un peu) plus du District Sanitaire en 2016 ?

  1. MENETVHET says:

    Aux questions soulevées par Dr NAHOUNOU ont pourrait aussi ajouter celles-ci comme questions à débattre.
    Quelle capitalisation faisons-nous des différents appuis financiers et techniques des nombreux partenaires au développement des systèmes de santé locaux, district sanitaire notamment pour une pérennisation des bonnes pratiques ?
    Doit-on remplacer les Equipes Cadre de District (ECD) par de véritables conseils de gestion ou d’administration du district à l’effet de faire bénéficier aux districts sanitaires des subventions directes à l’image des comités de gestion des établissements sanitaires?

    • Nahounou Noël says:

      Cher ami, merci de ton commentaire très pertinent. Pour moi il pose trois problèmes fondamentaux que devrait adresser (ou renforcer) nos systèmes de santé, à savoir 1) la traçabilité et la transparence dans l’utilisation des différents appuis financiers y compris les ressources étatiques, 2) l’institution de mécanismes formels de redevabilité et 3) le renforcement de l’autonomisation des districts sanitaires pour leur permettre de bénéficier de subventions directement de certains partenaires. A ce niveau probablement que la mise en oeuvre du PBF pourrait aider en ce que cette stratégie de financement requiert des réformes en rapport avec la décentralisation et visant à accorder une plus grande autonomie de gestion (notamment financière) aux établissements sanitaires. Par exemple au Burundi, au Rwanda et en RCA (pour ne citer que ces pays) les établissements sanitaires impliqués dans le PBF disposent de comptes bancaires privés où leur sont virés directement (par l’Etat ou les partenaires) les montants correspondant aux prestations fournies. Or en Côte d’Ivoire, les établissements sanitaires ne disposent pas de compte bancaire et la gestion des budgets à eux alloués se fait à travers le Trésor Public qui applique le principe de l’unicité des caisses.

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