Bonjour à tous,
L’année 2014 tire bientôt à sa fin. Nous avons traversé des moments joyeux et aussi difficiles. Vous avez été fidèles à la Newsletter Politiques Internationales de Santé. Grace à votre soutien, nous avons contribué au partage d’expériences et de savoir sur l’offre de soins. Nous comptons également sur vous en 2015. Nous devons relever ensemble de nouveaux défis. Votre point de vue est important. Faites part de votre appréciation générale pour que nous améliorons la qualité de la Newsletter.
Cette semaine Fadima Bocoum pose la question de la solidarité africaine face à l’épidémie de maladie à virus Ebola et donne des pistes de réponse. Nous vous invitons vivement à lire cet édito.
Quatre articles ont été par la suite sélectionnés et portent sur Ebola, le rapport 2014 sur le paludisme dans le monde, les agents de santé communautaires au Burkina Faso et la supplémentation de la vitamine A chez les nouveau-nés.
Bonne Année 2015 !!!
Basile Keugoung, MD, MPH, PhD
Editeur Newsletter PIS
Edito – Epidémie d’Ebola : où est passée la solidarité africaine ?
Par Fadima Bocoum
Récemment, le Burkina Faso, pays des hommes intègres, a fait la une des journaux suite à l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014. Ce mouvement a eu pour conséquence la chute du régime et la mise en place de nouvelles (anciennes ?) autorités qui ont en charge la conduite du pays vers des élections. Depuis cette insurrection, les populations se sentent pousser des ailes et ont conscience de leur pouvoir. Elles n’hésitent plus à faire connaitre leurs opinions et à mettre la pression pour que leurs choix soient respectés par les nouveaux dirigeants. Désormais, elles prennent leurs destins en main et appellent à un renouveau en Afrique sub-saharienne pour que les peuples se prennent en charge. Sur cette même lancée, au lendemain de l’insurrection, une chaine de solidarité s’est formée pour prendre en charge les blessés, pour nettoyer la ville et également pour soutenir les familles des martyrs tombés au combat.
La continuité de cette solidarité se poursuit avec une « Initiative de riposte à l’épidémie à virus Ebola des professionnels privés de la santé au Burkina Faso » mise en place par la Fédération des associations des professionnels de la santé privée du Burkina Faso (FASPB). Cette initiative a pour objectifs de :
- Participer activement au dispositif national de riposte
- Mobiliser des moyens matériels et financiers pour venir en aide aux pays africains affectés
- Mobiliser des ressources humaines volontaires pour venir en appui sur le terrain des épidémies
Au regard des objectifs poursuivis, l’Initiative est belle car jusqu’à aujourd’hui, la mobilisation des ressources a été surtout le fait d’organisations internationales. On note la quasi-absence d’une solidarité africaine dans ce domaine. Cependant peut-on vraiment jeter la pierre aux pays africains ?
Prenons le cas du Burkina Faso d’où l’initiative est partie. Jusqu’à ce jour, il ne connait pas de cas d’Ebola. Cependant le Burkina Faso est-il prêt à faire face à Ebola au point de proposer de l’aide en termes de ressources financières, matérielles et humaines aux pays affectés ? Un institut a montré qu’il existe encore des faiblesses dans la préparation de ce pays en termes d’équipements de protection, de formation et sur bien d’autres aspects [1].
Aussi l’objectif de mobilisation du matériel est louable car l’on sait que la majorité du matériel de protection reçu à nos jours proviennent pour l’essentiel du soutien de la coopération bilatérale ou multilatérale. Nos centres de santé manquent cruellement de matériel et autres consommables pour faire face non seulement aux sollicitations quotidiennes mais également à la prise en charge de cas d’Ebola. En termes de ressources humaines, le Burkina Faso comme de nombreux pays en Afrique subsaharienne connait des déficits quantitatifs et qualitatifs. De plus, il faut souligner un déséquilibre dans la répartition de ces ressources malgré la mise en œuvre de stratégies pour y remédier. Le personnel de santé est très peu motivé à servir en milieu rural et les conditions de travail demeurent l’une des sources de démotivation. Aussi, concernant la mobilisation de volontaires parmi le personnel de santé pour aller aider les pays affectés par Ebola, cela ne sera surement pas aisé.
Premièrement, au regard du déficit en personnel que connait nos pays, peut-on vraiment se permettre d’envoyer des volontaires alors que dans nos campagnes il y a un manque criard de personnel de santé ?
Deuxièmement, le mois dernier lors d’un de mes cours avec des étudiants de 6ème année de médecine, j’ai posé la question à environ 80 étudiants. Parmi eux le seul qui était prêt à y aller à poser la condition de recevoir une forte somme d’argent (500 000FCFA par jour) en échange. Les autres m’ont clairement fait comprendre que pour rien au monde ils ne s’engageront car en cas d’infection ils n’auront pas accès au traitement comme c’est le cas des volontaires occidentaux. Ainsi la question primordiale est que face au risque d’être infecté par le virus quel mécanisme d’assurance peut-on proposer à ces volontaires ? Ici également un système de solidarité (ce qui est un des principes de l’assurance) doit pouvoir se mettre en place non seulement pour faire face au risque de décès mais également pour assurer un accès équitable à une prise en charge adéquate. La faiblesse des systèmes de santé montre aujourd’hui qu’aucun pays ne dispose d’infrastructures adéquates pour prendre en charge les cas comme en Espagne ou aux Etats-Unis. Ceci pourrait expliquer pourquoi, on observe cette faible chaine de solidarité africaine. Toutefois, des réflexions plus approfondies doivent être menée pour mieux comprendre les déterminants de cette faible solidarité africaine afin de préparer la riposte aux défis futurs.
Il est donc crucial d’inclure dans la préparation à la lutte contre Ebola la capacitation psychologique des professionnels de santé. Les formations ne devraient plus se limiter uniquement au diagnostic et au traitement des cas. La motivation surtout intrinsèque occupe une place de choix et des stratégies doivent être trouvées pour la renforcer. Du 23 au 25 janvier 2015, les Alumni de l’Institut de Médecine Tropicale d’Anvers organiseront une Conférence sur Ebola et les ressources humaines à Maputo (Mozambique). Des leçons de cette conférence pourront guider les décideurs et les managers des systèmes de santé à mieux mobiliser les professionnels de santé dans la lutte contre Ebola et d’autres problèmes de santé complexes.
Référence
- FREE Afrik: Le Burkina Faso Post-Révolution Contre Ebola. Ouagadogou; 2014:1–7.
EBOLA
1. OMS : Mise en place de systèmes de santé capables de s’adapter dans les pays touchés par la maladie à virus Ebola
Date: 10-11 décembre 2014 Lieu: Genève, Suisse
http://www.who.int/mediacentre/events/meetings/2014/ebola-health-systems/fr/
Lors de cette réunion, des ministres de la santé et des finances ainsi que des représentants d’acteurs non étatiques, de donateurs et d’organismes techniques internationaux se rencontreront pour jeter les bases d’un renforcement des systèmes de santé à moyen ou long terme dans les pays touchés par la maladie à virus Ebola.
Les participants s’appuieront sur l’expérience des principaux groupes de parties intéressées afin de trouver des solutions pragmatiques et les investissements nécessaires pour assurer des services de santé de qualité aux populations et pour que ces systèmes de santé renforcés soient mieux à même d’assurer durablement les services essentiels lors de crises futures.
Objectifs de la réunion
- Recenser les principales difficultés auxquelles les pays sont confrontés s’agissant de la reconstruction ou de la mise en place de systèmes de santé ayant davantage de capacités d’adaptation.
- Trouver des solutions à moyen ou à long terme pour investir de manière optimale en vue de mettre en place des systèmes nationaux et infranationaux capables d’assurer les services de santé essentiels, d’en garantir la qualité et de réagir de manière adéquate aux situations d’urgence et aux crises futures.
- Compte tenu de l’avantage comparatif de chaque entité, convenir des rôles et des responsabilités de chaque groupe de parties intéressées (gouvernements, acteurs non étatiques, donateurs et organismes techniques internationaux) dans la mise en place, dans les pays, de systèmes de santé capables de s’adapter, de manière coordonnée sous la direction de chaque pays.
Paludisme
2. OMS: Rapport 2014 sur le paludisme dans le Monde
Titre original : Factsheet on the World Malaria Report 2014
http://www.who.int/malaria/media/world_malaria_report_2014/en/#
En 2014, 97 pays et territoires avaient la transmission du paludisme en cours. On estime que 3,2 milliards de personnes sont à risque de paludisme, dont 1,2 milliards sont à risque élevé.
Fardeau de la maladie en 2013
En 2013, il y avait environ 198 millions de cas de paludisme dans le monde entier (fourchette de 124 à 283 millions de cas), et on estime que 584 000 décès (367 000 à 755 000 décès) dont 90 % de tous les décès dus au paludisme surviennent en Afrique. On estime que 437 000 enfants africains sont morts avant leur cinquième anniversaire à cause du paludisme. Presque la moitié de la population à risque en Afrique (49%) avait accès à une moustiquaire imprégnée d’insecticide, comparativement à 3% en 2004. De plus, 123 millions de personnes ont été protégés contre le paludisme par pulvérisation à effet rémanent dans le monde entier. En Afrique, 55 millions de personnes, soit 7% de la population à risque, vivaient dans des ménages qui ont été régulièrement traitées. Globalement, 392 millions d’ACT ont été achetés par les pays endémiques contre 11 millions en 2005. En Afrique, 15 millions des 35 millions de femmes enceintes n’ont pas reçu une seule dose du TPI en 2013.Seulement six des 16 pays où l’OMS recommande des traitements préventifs pour les enfants de moins de cinq ont adopté ce traitement dans leur politique nationale.
Entre 2000 et 2013, une expansion des interventions antipaludiques a contribué à réduire l’incidence du paludisme de 30% à l’échelle mondiale, et de 34% en Afrique. Durant la même période, les taux de mortalité ont diminué paludisme d’environ 47 % dans le monde et de 54 % en Afrique. En 2014, on estime que 214 millions de moustiquaires imprégnées d’insecticide longue durée (MILDA) ont été livrés à des pays d’endémie palustre en Afrique.
Perspectives
Au cours des dernières années, la résistance du parasite à l’artémisinine a été détectée dans cinq pays de la sous-région du Grand Mékong : Cambodge, Laos, Myanmar, Thaïlande et Vietnam. Dans les zones le long de la frontière entre le Cambodge et la Thaïlande, P. falciparum est devenu résistant à la plupart des médicaments antipaludiques disponibles, et une résistance à plusieurs médicaments est une préoccupation majeure.
L’Objectif du Millénaire pour le développement lié au paludisme (OMD 6) a déjà été atteint au niveau mondial. En termes de progrès au niveau des pays, un total de 64 pays sont actuellement sur la bonne voie pour inverser l’incidence du paludisme d’ici 2015 à l’échelle nationale.
Le financement reste insuffisant. En 2013, le financement international et national pour la lutte antipaludique a atteint 2,7 milliards US$. Bien que cela représente une multiplication par trois depuis 2005, il est encore nettement en dessous des 5,1 milliards US$ requis.
Santé communautaire
3. Social Science & Medicine – Les agents de santé communautaires perçoivent-ils des mécanismes associés à la réussite de la prise en charge communautaire des cas de paludisme? Une étude qualitative au Burkina Faso
Thomas Druetz et al
doi:10.1016/j.socscimed.2014.11.053
Titre original: Do community health workers perceive mechanisms associated with the success of community case management of malaria? A qualitative study from Burkina Faso
Nous avons étudié les perceptions des travailleurs de santé communautaire de leur travail au Burkina Faso. Ils perçoivent la plupart des mécanismes liés à la performance, sauf à évaluer par le système de santé. La perception de leurs mécanismes est fortement influencée par des facteurs contextuels et liées à l’application. Les ruptures de stock et le manque d’intégration entre les interventions sont les principaux obstacles à la performance. Les programmes de gestion de cas communautaires nécessitent un renforcement des systèmes locaux de santé.
L’utilisation d’agents de santé communautaire pour administrer des traitements rapides gagne en popularité dans la plupart des pays d’Afrique sub-saharienne. Leur performance est un défi majeur, car il varie considérablement, en fonction du contexte, tout en étant étroitement associé à l’efficacité des stratégies de gestion de cas. Ce qui détermine la performance des agents de santé communautaires est encore en débat. Basé sur une perspective réaliste, une revue systématique a récemment émis l’hypothèse que plusieurs mécanismes sont associés à de bonnes performances et à la réussite des interventions communautaires. Afin d’étudier empiriquement cette hypothèse et la confronter avec la réalité, nous avons mené une étude au Burkina Faso, où en 2010 les autorités sanitaires ont introduit un programme national de gestion communautaire des cas de paludisme. L’objectif était d’évaluer la présence des mécanismes chez les agents de santé communautaires et d’explorer l’influence des facteurs contextuels. En 2012, nous avons mené des entretiens semi-structurés avec 35 agents de santé communautaires dans deux districts de santé similaires (Kaya et Zorgho). Les résultats suggèrent qu’ils perçoivent la plupart des mécanismes, ‘à l’exception du fait d’être valorisé par le système de santé et la redevabilité aux membres du village.
L’analyse montre que les ruptures de stocks de médicaments et les expériences passées des travailleurs de santé communautaires influencent simultanément la présence de plusieurs mécanismes. Le manque d’intégration des interventions gouvernementales et non gouvernementales et la pauvreté socio-économique globale, ont également été identifiés comme influençant la présence des mécanismes. En se concentrant sur l’agent de santé communautaire, cette étude met l’influence du contexte au cœur du débat sur la performance et soulève la question de leur capacité à bien performer dans les programmes antipaludiques à grande échelle.
Vitamine A et nouveau-nés
4. Lancet (Comment) – Supplémentation en vitamine A chez les nouveau-nés: temps de passer à l’action
Titre original- Neonatal vitamin A supplementation: time to move on
Batool Haider et al. ; http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(14)62342-4/fulltext?_eventId=login
Peu de questions ont donné lieu à autant de controverses au cours des dernières années comme les avantages potentiels ou non de la supplémentation en vitamine A pour les nouveau-nés au cours des premiers jours de vie. La faisabilité de cette intervention a accru du fait de trois considérations primordiales : la forte prévalence de carence en vitamine A chez les femmes en âge de procréer dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire ; le regroupement de la mortalité infantile chez les nouveau-nés et les jeunes enfants ; et la réalité programmatique que les stratégies actuellement recommandées pour la supplémentation en vitamine A chez les enfants à risque dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire sont limitées aux enfants de 6 à 59 mois.