Cette semaine, nous vous amenons à New York où se tient l’Assemblée générale de l’ONU et dont les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) constituent un point principal de l’agenda.
Nous avons résumé trois articles cette semaine sur la santé de la femme, le paludisme et enfin sur les priorités de recherche sur la mise en œuvre des interventions de santé en Afrique.
Bonne Lecture
L’Equipe Editoriale
Editorial – L’ONU évalue les OMDs et réfléchit à l’après 2015
Par Basile Keugoung
Santé
1. Editorial – A la croisée des chemins: réformer les systèmes de santé pour prendre en charge la santé de la femme durant la vie
Titre original- At the crossroads: transforming health systems to address women’s health across the life course
Flavia Bustreo et al.;
http://www.who.int/bulletin/volumes/91/9/13-128439/en/index.html
Par Bouchra Assarag
En 2010, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié un rapport intitulé « Les femmes et la santé : la réalité d’aujourd’hui, le programme de demain ». Le rapport résume les éléments de preuve entourant les problèmes de santé qui touchent les filles et les femmes tout au long de leur vie et a signalé la nécessité de stratégies innovantes et de nouveaux modèles de prestation de services de santé. Depuis, d’autres initiatives mondiales, ont gardé le monde centré sur les questions de santé des femmes, la mortalité maternelle en particulier et l’accès universel à la santé reproductive. Pourtant, ces initiatives ne couvrent pas tous les problèmes de santé que les femmes sont confrontées dans le 21e siècle. Selon le Global Burden of Disease Study 2010, les années de vie perdues (AVP) en raison de conditions abordées dans le cadre des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) ont diminué de 2,0% par an entre 1990 et 2010, mais ceux qui sont attribuables à des conditions non ciblées dans le cadre des OMD ont augmenté de 0,8% par an. Si ces tendances se maintiennent, d’ici à 2015 plus des deux tiers de tous les AVP seront causés par des conditions non incluses dans les OMD. Les maladies non transmissibles (MNT) représentent déjà 54% de la charge mondiale des années de vie ajustées sur l’incapacité.
Dans ce numéro du Bulletin de l’OMS, concernant la santé des femmes au-delà de la santé de la reproduction, les auteurs ont souligné la nature changeante des problèmes de santé auxquels sont confrontés les femmes, et la mise en évidence des politiques et des stratégies que les pays à faible revenu et à revenu moyen peuvent mettre en œuvre. Une approche du cycle de vie pour la santé des femmes est intéressante et logique car la plupart des problèmes de santé rencontrés par les femmes adultes ont leurs racines en début de vie. Les interventions qui favorisent une bonne nutrition pendant la grossesse, d’optimiser le développement de la petite enfance et de faciliter l’accès à l’information sur la santé, en particulier pendant l’adolescence, peuvent mettre les bases d’une vie saine dans les années ultérieures. Modification des expositions à travers le cycle de vie, notamment en termes de tabac et la consommation d’alcool, les habitudes alimentaires malsaines et l’activité physique médiocre, ont une contribution importante pour la santé à long terme.
Ce continuum peut être mieux promu en s’appuyant sur les services existants de santé maternelle et reproductive ” en diagonale “. Il s’agit d’élargir le rôle des agents de santé, de renforcer leurs compétences et de réorienter les services vers la prévention, la détection précoce et la gestion des maladies non transmissibles et leur facteurs de risque. Par exemple, les femmes atteintes de diabète gestationnel ont un risque significativement plus élevé de développer un diabète de type 2 en fin de vie et les soins prénataux sont l’occasion d’intervenir tôt pour essayer de prévenir l’apparition ultérieure de diabète dans ce groupe.
L’approche du cycle de vie pour la santé des femmes implique plusieurs défis du système de santé. Le développement d’un cadre de politique fondée sur l’évidence de la santé des femmes à travers le cycle de vie est une tâche importante. Cette approche de cycle de vie pour la santé des femmes a trois aspects novateurs. Tout d’abord, elle marque la convergence de trois domaines complémentaires : la santé maternelle et reproductive, les maladies non transmissibles et le vieillissement. Deuxièmement, il s’agit d’élaborer des sites de pilotage et de tester de nouveaux systèmes de prestation de soins de santé offrant des approches diagonales et des partenariats public-privé. Troisièmement, il est mis en œuvre par les décideurs et consiste à appliquer des méthodes qui favorisent l’utilisation de la recherche factuelle dans l’élaboration des politiques et la planification. Ce numéro thématique du Bulletin et d’autres initiatives, telles que la Commission Lancet sur la santé des femmes, ont pour but de stimuler l’intérêt pour la santé des femmes au-delà de la reproduction et d’encourager une action décisive conjointe de la part de plusieurs parties prenantes dans la promotion d’une approche à long terme pour la santé des femmes.
Paludisme
2. Lancet Editorial – Prévention du paludisme : civilisation contre maladie
Titre original- Malaria prevention: civilisation versus disease
http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(13)61846-2/fulltext
Par Gaston Wamba
Le paludisme, qui tient son nom de ̏ mauvais air ̋ des endroits humides, affecte l’espèce humaine depuis des milliers d’années et continue d’imposer un poids regrettable de morbidité et de mortalité. Selon l’OMS, en 2010, 219 millions de cas de paludisme ont été notifiés et 660 000 décès répertoriés, les enfants étant les plus touchés en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud. Plasmodium falciparum et Plasmodium vivax, parasites du paludisme, sont des cibles pour le développement des médicaments et du vaccin ; et les techniques qui ciblent les espèces de moustiques transmettant le paludisme restent importantes.
Dans le Cochrane du 29 Aout, Lucy Tusting et Al. ont ciblé dans une étude des sources des larves des moustiques, attaquant ces larves au niveau des gites, le plus souvent dans les eaux stagnantes. Parmi les 5 essais randomisés et 8 études réalisées avant et après les attaques, les auteurs ont noté une réduction de l’incidence du paludisme au Sri Lanka, associée au traitement des rivières et autres gites par les larvicides, excepté en Gambie. De même, la prévalence du parasite du paludisme a réduit substantiellement au Sri Lanka et ailleurs, mais pas en Gambie. Ces auteurs concluent sur cette base que la gestion des sources des larves pourrait accompagner la pulvérisation intra-domiciliaire et l’utilisation des moustiquaires imprégnées à longue durée d’action (MILDA), là où l’habitat des larves des moustiques est défini. Dans une autre étude, ces mêmes auteurs ont abordé le problème différemment et ont évalué le développement socio-économique dans la lutte contre le paludisme. Ils rappellent que cette maladie a été éliminée dans plusieurs pays avant même que le mécanisme de sa transmission ne soit compris.
Chris Cotter et Al. notent que les efforts fournis pour la lutte contre le paludisme ont eu des bénéfices dans 34 pays pendant les années 2000-2010. Etant donné qu’il faut identifier et traiter le paludisme dans les nouveaux groupes de la population, la couverture universelle de santé sera la base du succès des futurs programmes.
Recherche
3. TMIH – Passage à l’échelle des services de diagnostic pour les maladies non transmissibles en Afrique: Priorités la recherche sur la mise en œuvre
Titre original-Viewpoint: scaling up testing services for non-communicable diseases in Africa: priorities for implementation research
S. Jaffar et al.;
http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/tmi.12180/full
Par Jeanne Tamarelle
Le rapport du Global Burden of Disease 2010 nous avait déjà mis en garde contre le poids croissant des maladies non transmissibles dans la morbidité et mortalité en Afrique, mais aussi de manière générale dans le monde. Qu’il faille changer nos priorités au vu du nouveau profil de santé ne fait plus vraiment débat. Les stratégies de prévention et de prise en charge pullulent de même que les recommandations d’organismes internationaux. Mais qu’en est-il des pays où les ressources sont limitées et où les systèmes de santé couvrent parfois à peine les soins primaires, particulièrement en Afrique ? Quelles stratégies adopter ?
Les auteurs S. Jaffar & al. font un appel à la recherche pour trouver des stratégies innovantes, de faible coût et généralisables pour le diagnostic des maladies non transmissibles, en particulier les maladies cardiovasculaires, les maladies respiratoires chroniques et le diabète.
Un premier axe de recherche réside dans la genèse de données sur les facteurs de risque des populations africaines, données qui existent déjà pour la plupart des pays développés mais ne peuvent pas être transposées au contexte africain car les facteurs de risque peuvent varier du fait de la composition démographique (âge, sexe, métabolisme…) et de l’interaction entre maladies non transmissibles et maladies infectieuses.
Les auteurs proposent comme deuxième axe de recherche l’effet du rapprochement des structures de tests à la population, en utilisant notamment les stratégies déjà mises en place pour les tests de VIH : camions mobiles, auto-tests, tests à domiciles… Profiter des stratégies de test de VIH et TB pour tester également les maladies non transmissibles pourrait permettre un cout additionnel faible, un diagnostic plus systématique et moins de stigmatisation associée au VIH en utilisant les structures existantes pour d’autres maladies que le VIH/SIDA seul. De même, au vu du manque cruel de ressources humaines, les stratégies de formation de travailleurs non spécialisés déjà utilisées pour le diagnostic du VIH pourraient se révéler également efficace pour le test de maladies non transmissibles.
Un troisième axe de recherche nécessaire porte sur les éléments qui déterminent le fait qu’une personne va ou non se faire tester. Existe-t-il une stigmatisation associée au test des maladies non transmissibles ? Peut-on imaginer une méthodologie de test similaire à celle de maladies plus « banales » pour réduire la possible stigmatisation associée au test des maladies non transmissibles ? Quelle proportion de la population ne se fait pas tester et n’est identifiée qu’au moment d’un évènement majeur comme une attaque cardiaque ?
Dans le cas des stratégies du test du VIH, le test était accompagné de sessions de conseil individuel pré et post-test et a été associé à une réduction des comportements à risque. Cette même stratégie appliquée aux maladies non transmissibles risque d’être inefficace dans ce cadre-là dû au fait que cela requiert trop de temps et de ressources financières. En revanche, il ne serait pas inutile d’étudier l’impact de la formation de groupes de patients sur le changement du mode de vie, comme quatrième axe de recherche.
Loin de recommander l’implémentation de la stratégie de généralisation du diagnostic de maladies non transmissibles immédiatement, les auteurs mettent en évidence le besoin de recherche pour l’implémentation de stratégies fondées sur l’évidence pour le diagnostic des maladies non transmissibles, en particulier le diabète et l’hypertension, à la fois maladies et facteurs de risque prévalents en Afrique. Pour ce faire, pourquoi ne pas réinvestir les leçons tirées de l’expérience du VIH ?