La couverture sanitaire universelle est aujourd’hui à l’agenda des politiques de santé internationale. En Afrique sub-saharienne, les Objectifs mondiaux de santé tels que les OMD ne seront pas atteint par la plupart des pays.
Or le district sanitaire est le modèle d’organisation des systèmes de santé qui a été adopté en 1987 à Hararé. Revisiter ce mode d’organisation des systèmes de santé est donc primordial pour assurer une couverture universelle dans un proche avenir.
Bruno Meessen et Belma Malanda nous invitent dans l’éditorial de cette semaine à la Conférence régionale sur les 25 ans des districts sanitaires en Afrique.
Editorial
Conférence Régionale de Dakar, 21-23 octobre 2013- «Le District sanitaire en Afrique : Bilan et perspectives 25 ans après la Déclaration de Harare »
Par Bruno Meessen & Belma Malanda
Post-OMDs & Santé
1. Lancet (Correspondance) – La Santé après 2015 : un droit humain ?
http://www.lancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(13)61767-5/fulltext
Article original: Health after 2015: a human right?
Auteur: Vachagan Harutyunyan
Par Jeanne Tamarelle
Dans son article “Health after 2015: a human right?”, Vachagan Harutyunyan montre du doigt l’une des principales failles de l’Agenda du Développement de l’Après 2015. Si le rapport comporte en effet de nombreuses références à la santé dont 16 objectifs sur 54 ayant une dimension sanitaire, il n’y a pas de référence au Droit à la Santé en tant que droit humain universel et inaliénable. Et pourtant, il est clairement énoncé au début du rapport que «de nouveaux objectifs et de nouvelles cibles doivent être définis dans le respect des droits humains universels »([1]).
Alors, est-ce un oubli ? Ou un acte manqué ?
Le Droit à la Santé ou le « Droit de chacun à bénéficier du plus haut standard possible de santé » fait partie des droits humains fondamentaux exprimés dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (art. 25) et réaffirmés dans de nombreux traités et déclarations internationales comme le Pacte International relatif au Droits Economiques, Sociaux et Culturels (1966), ou encore la Constitution de l’Organisation Mondiale de la Santé (1946). Tous les pays du monde ont ratifié au moins l’une de ces conventions et se sont donc en principe engagés à faire appliquer le Droit à la Santé.
Pourquoi serait-il dont nécessaire de réitérer cet engagement dans l’Agenda du Développement de l’Après-2015 ?
Il n’est pas impossible que le Droit à la Santé ait été mal compris. Premièrement, le Droit à la Santé est un droit qui ne prend pas en compte que des aspects sanitaires mais aussi des aspects économiques, légaux, environnementaux et culturels dans le but d’atteindre le plus haut standard possible de santé. Comme cette transformation ne peut pas avoir lieu du jour au lendemain, de nombreux pays ont remis à plus tard la mise en application du Droit à la Santé, en oubliant que leur situation financière difficile ne les relevait pas de leur responsabilité d’appliquer le Droit à la Santé, d’autant plus que de nombreuses mesures peuvent être prises immédiatement et avec de faibles ressources.
Quel engagement attendons-nous en matière de droit à la santé ?
Si l’engagement du droit à la santé a déjà été pris dans le passé, que peut donc apporter la réitération de cet engagement dans l’Agenda du Développement de l’Après-2015 ? L’Agenda du Développement n’étant pas un document normatif, il ne peut en aucun cas obliger les pays à mettre en application le Droit à la Santé, mais il aurait pu très certainement :
– Rappeler que tous les pays se sont engagés à mettre en application le Droit à la Santé
– Rappeler que le Droit à la Santé n’est pas un droit à atteindre dans le long terme mais qu’il suppose certaines obligations immédiates de la part des gouvernements
– Rappeler que le Droit à la Santé est non seulement une condition nécessaire au développement mais aussi une fin en soi
– Proposer un plan d’action pour la mise en application du Droit à la Santé, étant donné que de nombreux pays ne savent pas ce que le Droit à la Santé suppose dans sa mise en application
– Proposer des objectifs, cibles et indicateurs pertinents pour monitorer l’application du Droit à la Santé
Il n’aurait pas été inutile de rappeler que le droit à la santé n’est pas juste un engagement en parole mais qu’il suppose un certain nombre d’actes pratiques pour sa mise en application. On citerait par exemple le droit à un système de santé égalitaire, le droit à la prévention, au traitement et au contrôle des maladies, l’accès aux médicaments essentiels, la participation citoyenne dans les décisions relatives à la santé ou la non-discrimination dans les services de santé.
L’Agenda du Développement de l’Après-2015 propose de nouveaux objectifs à la fois dans la continuité des Objectifs du Millénaire pour le Développement tout en prenant en compte de nouvelles exigences telles que l’universalité, la durabilité ou la reddition de comptes. Et pourtant, les implications pratiques du Droit au plus haut standard possible de santé ne sont pas évoqués dans cet Agenda, malgré sa vision « ambitieuse et pragmatique ». Si le Droit à la Santé existe en théorie depuis 1949, c’est sa mise en application que nous souhaitons pour l’après-2015.
Politiques et financement de la santé
2. Global Health: Science and Practice (Editorial) – Les 6 domaines de changement de comportement: la composante manquante du système de santé
Titre original: The 6 domains of behavior change: the missing health system building block
James D. Shelton;
http://www.ghspjournal.org/content/1/2/137.full
Par Basile Keugoung
L’auteur note que le comportement est crucial dans les interventions de santé. La discipline du changement de comportement offre une expertise dans 6 domaines différents. Malheureusement, cette expertise est peu utilisée, surtout dans les pays à faible revenu. Sans agir sur le changement de comportement, il serait très difficile d’avoir des systèmes de santé efficaces et pérennes ou d’atteindre les objectifs mondiaux de santé.
Le comportement est très important et les 15 premiers risques de santé en Afrique sub-saharienne sont essentiellement comportementaux. Les interventions destinées au changement de comportement sont une composante oubliée du système de santé. Les 6 domaines sont :
1 – Les comportements individuels ou qui dépendent du style de vie : ce sont les comportements que les personnes peuvent modifier sans l’implication du système de santé clinique pour améliorer la santé ou prévenir les maladies. Quelques exemples sont, le lavage des mains, l’allaitement maternel exclusif, la réhydratation orale. Le changement de comportement est crucial dans le contrôle des maladies non transmissibles.
2 – La demande ou le comportement de recherche de soins
3 – L’adhérence et la collaboration du patient aux soins
4 – Le comportement du prestataire : il est espéré des prestataires qu’ils soient compétents, empathiques, travailleurs mais ils ont aussi des valeurs, des motivations, des capacités, des contraintes, des normes sociales et des priorités comme toute personne. Ce que le prestataire influence positivement ou négativement un programme de santé.
5 – Les comportements sociaux tels que l’usage des latrines, la sécurité routière ou la pollution.
6 – La politique et la prioritisation : le comportement des policymakers a une influence profonde sur la santé, par exemple sur le financement ou la prioritisation des interventions et leur offre. La politique est aussi influencée par la culture des médecins et d’autres professionnels, et ceci amène le plus souvent à prioritiser les services curatifs aux services préventifs.
Ainsi, le succès des interventions de santé va nécessiter une forte attention sur certains de ces domaines. Par exemple, la prévention de la transmission du VIH requiert les domaines 1, 2 et 3, et l’initiation et l’adhérence à la trithérapie concerne les domaines 2 et 3.
Le changement de comportement est une discipline distincte qui nécessite des approches et des compétences. Il s’agit de comprendre l’audience et d’adapter les approches à ce public, d’utiliser divers canaux de communication, promouvoir le changement durable de comportement, mettre en place des stratégies structurelles (taxe sur les cigarettes, SMS pour rappeler les rendez-vous…), de mettre des incitants et enfin de mesurer l’impact des interventions afin de les ajuster.
Nous devons accroitre et renforcer l’expertise en changement de comportement dans les institutions et former des spécialistes compétents pour atteindre les objectifs globaux de santé.
3. Lancet (World Report)-70 milliards d’euros en perspective pour les chercheurs européens
Titre original: €70 billion on the horizon for European researchers
John Maurice;
http://www.lancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(13)61745-6/fulltext
Par Alma Benzaïd
En période de crise de l’euro, le programme de recherche « Horizon 2020 » lancé par la Commission européenne prévoit de financer des projets destinés à résoudre les défis de la société contemporaine au profit de groupes de recherche sélectionnés.
Déjà sept programmes-cadres étendus sur une période de 5 à 7 ans ont été élaborés par la Commission européenne depuis 1984.
Máire Geoghegan-Quinn, commissaire européenne pour la recherche, l’innovation et la science, situe ce projet dans l’objectif de construire une croissance durable à long terme tout en améliorant la recherche et la performance de l’innovation en Europe. Le programme ambitionne de répondre aux nouveaux défis lancés à la recherche en Europe, notamment le changement climatique qui appelle une multitude d’activités de recherche et d’innovation. De même, le vieillissement de la population européenne accroît les maladies chroniques, qui à leur tour exercent une pression financière, administrative et technique sur les systèmes de santé européens.
Le nouveau programme rassemblera tous les projets sous un programme de gestion unique, doté d’un ensemble de règles simplifiées afin de réduire le temps d’obtention de subventions. Horizon 2020 reposera sur trois piliers : l’excellence scientifique soutenant des projets scientifiques de pointe, le leadership industrie renforçant la compétitivité des industries européennes et les défis sociétaux traitant des autres questions de société et de santé. La recherche biomédicale et la santé bénéficieront d’une part plus importante de budget que dans les programmes-cadres précédents.
Afin d’écarter toute crainte de morcellement des activités, Horizon 2020 disposera d’instruments pour gérer ses activités de financement, tels que l’initiative novatrice de la médecine, un partenariat public-privé rassemblant l’industrie du médicament, les universités, les petites et moyennes entreprises, les groupes de patients et organismes de réglementation afin de produire de nouveaux vaccins, médicaments et traitements.
Joël Bertrand, Directeur général du CNRS, approuve la réponse de grande envergure apportée par le nouveau programme aux défis sociétaux de la médecine personnalisée, le vieillissement et les maladies mentales, objets de recherche fondamentale par des équipes de recherche de haut niveau du Centre. Cependant, il craint que le nouveau programme-cadre consacre une attention insuffisante à la recherche fondamentale sur les déterminants biologiques de ces défis, et espère que la simplification promise par la Commission européenne pour Horizon 2020 ne s’avèrera pas un vœu pieux.
4. Globalization & Health – Evaluations des technologies de santé comme un mécanisme d’augmentation de la valeur du financement: recommendations au Fonds Mondial
Titre original : Health technology assessments as a mechanism for increased value for money: recommendations to the global fund
Yot Teerawattananon et al.;
http://www.globalizationandhealth.com/content/9/1/35/abstract
Par Morris Kouamé
Depuis plusieurs mois, le Fonds Mondial de lutte contre le VIH/sida, le paludisme et la tuberculose (FM) s’est lancé dans un processus de restructuration tant sur le plan organisationnel que celui de la philosophie de ses interventions. Le but principal de cette initiative est d’optimiser ses résultats afin d’accroitre l’impact par dollar dépensé. Pour réaliser cela, le FM s’est engagé progressivement à passer de la logique de financement d’urgence à un mécanisme de financement durable. Mais comment y arriver? Kate McQueston & al. explorent une piste de solution à travers l’utilisation d’un outil d’évaluation. Les auteurs passent d’abord en revue les succès et les obstacles actuels liés aux investissements du FM tout en examinant la manière dont l’outil d’Évaluation de la Technologie Sanitaire peut être utilisé pour donner des indications sur les priorités relatives aux interventions (médicaments, dispositifs, des diagnostics et autres rentes modalités traitement) subventionnées par le FM. En outre, les auteurs identifient des domaines où l’application de cet outil peut exercer le plus d’impact et proposent les mécanismes dont cet outil peut être incorporé, comme composante de routine, dans l’application, la prise la décision, la mise en œuvre, le suivi et le processus d’évaluation. Enfin, ils abordent les défis auxquels le FM doit faire face pour la réalisation complète du potentiel de cet outil.
Recherche
5. BMC Health services – Perspectives sur le rôle des acteurs dans l’application des connaissance dans le développement des politiques en Ouganda
Titre original: Perspectives on the role of stakeholders in knowledge translation in health policy development in Uganda
Juliet Nabyonga et al.;
http://www.biomedcentral.com/1472-6963/13/324/abstract
Par Basile Keugoung
Juliet Nabyonga et collègues soulignent que le rôle des acteurs dans l’utilisation de l’évidence est influencé par le contexte, la nature de l’évidence, le processus de développement des politiques et les interactions entre les acteurs.
Les méthodes qualitatives ont été utilisées pour examiner les rôles et les relations entre les acteurs pour l’utilisation des connaissances. Au total, 21 interviews en profondeur ont été réalisées sur les acteurs clés, leur rôle perçu et les défis.
Les acteurs clés sont les organisations de la société civile avec pour rôle le plaidoyer, la mobilisation des communautés, et la mise en œuvre. Les acteurs percevaient le rôle de la communauté comme celui de plaidoyer et de participation à la définition des priorités.
Les médias, ils devraient avoir le rôle de dissémination des connaissances, mais pourrait déformer l’évidence si elle n’était pas bien élucidée.
Le rôle des policymakers était de prendre en compte l’évidence, établir des plateformes d’utilisation des connaissances et avoir le leadership ; mais ils pouvaient ne pas prendre en compte l’évidence qui n’était pas en leur faveur.
Les parlementaires avaient le rôle de plaidoyer, de mobilisation communautaire, et poursuivent des objectifs non supportés par l’évidence.
Le rôle principal des chercheurs était de générer l’évidence mais la focalisation sur les intérêts académiques était un principal défi.
Le rôle des bailleurs concernait le financement, mais les interviewés ont noté la pertinence locale de certaines recherches financées par les bailleurs.
Les liens entre ces acteurs étaient faibles à cause de l’absence d’institutionnalisation et de plateformes inclusives. D’autres défis ont été également identifiés.
Les acteurs devraient jouer pleinement leurs rôles. Les relations et les plateformes devraient être mises en place pour créer des synergies d’utilisation des connaissances. Les capacités doivent être renforcées pour faire face aux défis rencontrés par les acteurs.
[1] Agenda du Développement pour l’Après-2015, disponible à http://www.post2015hlp.org/the-report/