Par Rodrigue Kohoun, Razack Adonon, et Catherine Lucet, Cours de Politiques Internationales de santé, IMT, Anvers

Le 09 Avril 2013, John May, Expert Démographe du Population Reference Bureau, a donné une conférence sur les défis de la démographie à l’intention des Etudiants en MPH à l’auditorium Rochus de l’Institut de Médecine Tropicale d’Anvers. Au cours de cette conférence, Mr May a mis l’accent sur la forte croissance démographique en Afrique Subsaharienne et ses effets néfastes notamment le fort taux de chômage, l’absence d’une politique efficace de contrôle des naissances, les besoins non couverts en matière de planification familiale et les dividendes démographiques. Les différentes notions abordées lors de cette conférence nous inspirent une réflexion sur la grande population du Nigéria, ses répercussions sur l’Afrique Occidentale en général et ses voisins en particulier.

Le Nigéria est un pays fédéral qui partage une frontière commune avec le Bénin et le Niger, deux membres de la Communauté Economique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest  (CEDEAO), et avec le Cameroun et le Tchad qui sont des pays membres de la CEMAC (Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale. La CEDEAO garantit à leurs ressortissants la libre circulation.

Grâce à sa manne pétrolière et son niveau de développement, le dynamisme de son commerce interne, ce pays est souvent présenté à raison comme une chance pour ses voisins comme le Bénin qui pourraient en tirer des répercussions énormes en terme d’échanges commerciaux et culturels. Cependant, cette pression démographique toujours croissante du pays le plus peuplé d’Afrique peut potentiellement constituer une menace pour la cohésion sociale pour les pays limitrophes.

Le Nigéria est aujourd’hui peuplé de 170 million d’habitants. D’ici 2050, cette population serait de 400 million d’habitants contre moins de 20 millions d’habitants au Bénin (http://www.populationdata.net/). Par contre le Cameroun avait en 2012, 20 million d’habitants et aurait  35 million en 2050 (Tableau 1).

Tableau 1 : Estimations des populations et PIB par habitants

Pays PIB (US$) par habitant (année) Population 2012 (million d’habitants) Population 2050

(million d’habitants)

Nigeria 1561 (2012) 170 400
Bénin 708 (2007) 10 20
Cameroun 1199 (2008) 20 35
Niger 381 (2010) 17 56
Tchad 863 (2008) 12 29

La grande inquiétude demeure le brassage entre les populations des pays limitrophes et celles du Nord du Nigéria où 12 Etats fédéraux pratiquent la charia et dont les valeurs religieuses freineraient le développement de politiques de contrôle des naissances. A priori, la faible prévalence contraceptive observée dans ces Etats se retrouve dans les parties septentrionales du Bénin et du Cameroun, au Tchad et au Niger en général. A titre d’exemple, le Niger a le plus fort taux de natalité.

En l’absence de mesures efficaces  telles l’adoption d’une politique de contrôle des naissances, l’explosion démographique pourrait s’intensifier pour ces pays.  A moins qu’il y ait l’intensification de la sensibilisation des populations en impliquant tous les acteurs, la disponibilité des produits de planification familiale et l’accès gratuit à des services de planification familiale de qualité. Comment la sous-région en général et le  Bénin en particulier  se préparent-ils à réguler la migration sous régionale des Nigérians sans compromettre la cohésion sociale des nationaux et garantir la sécurité et la libre circulation des personnes et des biens dans l’espace CEDEAO ou CEMAC ? Dans cette perspective, il urge d’anticiper la réflexion sur les conséquences environnementales, socio-sanitaires, économiques dans l’espace CEDEAO ou CEMAC. Les projections économiques révèlent que le Nigéria sera en 2050 la première économique africaine et la douzième au monde devant  le Canada et l’Italie (http://www.libreafrique.org/Kodila_Nigeria_tigre_africain). Cependant cette embellie économique s’accompagne d’un fort taux de chômage  et d’une disparité sociale avec plus de 60% de personnes vivant sous le seuil de pauvreté (http://www.africaneconomicoutlook.org/fr/pays/afrique-de-louest/nigeria/).

Dans cette optique, il serait intéressant que la CEDEAO ou la CEMAC voire l’Union Africaine adoptent une politique audacieuse et contextuelle de contrôle des naissances à l’instar d’autres pays afin de profiter de la dividende démographique.

Les pauvres représentent une menace pour l’équilibre du pays et des pays voisins. Les contestations sociales ont été à l’origine du printemps arabe par exemple. Les revendications deviennent parfois violentes voire terroristes. Même si ce mode d’expression est à condamner, il faut préciser que les discours violents pourraient trouver plus d’adhésion au sein de populations démunies exclues de l’accès aux services sociaux. On pourrait d’ailleurs s’interroger sur les mécanismes que les pays adopteront au cours des prochaines décennies pour inverser les tendances du chômage si leurs populations croient plus vite que le développement économique.

 

 

 

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One Response to Editorial – 170 million de voisins Nigérians en 2012 ou 400 million à l’horizon 2050: aubaine ou menace?

  1. Franck Bete says:

    Cette analyse interpelle les dirigeants des pays africains au Sud du Sahara et plus spécifiquement ceux limitrophes au Nigéria. Mais malheureusement je n’ai pas l’impression que cela fasse partie des priorités de ces pays d’adopter des mesures volontariste pour endiguer le phénomène. Un taux d’accroissement de la population au-dessus du taux de croissance reste une menace inéluctable. La question c’est où allons-nous?

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