Titre de l’article en anglais : Dengue vaccine development: a 75% solution?
Auteur : Scott B Halstead
Un essai clinique complet de l’efficacité du vaccin contre la Dengue devrait être une sorte de réjouissance pour les millions de personnes qui vivent dans les 128 pays ou le virus de la Dengue se propage le plus. Cependant, l’euphorie risque d’être de courte durée comme cela fut le cas avec les essais cliniques des vaccins contre la Paludisme et le VIH. La faible efficacité des essais des vaccins sur le paludisme et le VIH ne constitue pas réellement une surprise tant du fait de la complexité des agents pathogènes de ces maladies que de par leur capacité à échapper aux défenses immunitaires. En revanche, chacun des quatre types de virus qui donne la Dengue produit des infections auto limitées qui entrainent une immunité à vie. Les virus qui donnent la Dengue sont des flavivirus qui appartiennent à la même famille que celles qui donnent la fièvre jaune et le virus encéphalite japonaise. L’usage de vaccins à base de virus atténués a été largement utilisé et avec succès pour ces deux dernières maladies. Au cours de ces dernières années, de nombreux vaccins utilisant ces virus atténués ont été aussi testés en ce qui concerne la maladie de la Dengue. Les études sur les phases de test 1 et 2 de ces vaccins offrent, lorsqu’ils sont testés sur des individus, d’excellentes réponses immunologiques qui incitent à l’optimisme quand à la disponibilité prochaine d’un vaccin efficace contre le Dengue ?
L’efficacité globale de 30.2 % (95 % CI – 13.4 à 56.6) de l’essai clinique de Arunee Sabchareon et collègues du vaccin baptisé « CYD-TDV » (un vaccin vivant tétravalent atténué recombinant, préparé à partir de la souche 17D de la fièvre jaune et cultivé sur cellules Vero) apparaît comme une surprise. Les écoliers thaïlandais de la province de Ratchaburi où les essais ont été effectués ont été assignés entre un groupe vacciné (n=2669) et un groupe témoin (n=1333). Les résultats montrent que le fait de recevoir une ou plusieurs doses du vaccin a réduit l’incidence de la maladie des virus de type 3 et 4 par 80 à 90 % et à des proportions plus faibles celui de type 1.
Au regard de ces résultats on constate que l’efficacité du vaccin reste cependant partielle et mitigée. En effet, les données sont encore insuffisantes pour établir un quelconque effet du vaccin sur la forme la plus sévère de la maladie de la Dengue en l’occurrence celui de type 2. En effet, dans les essais cliniques de Sabchareon et collègues, le taux d’incidence de la maladie de la Dengue de type 2 chez les enfants vaccinés était identique à celui des enfants du groupe de contrôle. Or la maladie de la dengue causée par le virus de type 2 reste la plus répandue au nord de la Thaïlande.
Ce résultat est particulièrement surprenant du fait surtout que les chercheurs avaient établi dans un échantillon aléatoire d’individus ayant fait des tests de sang que 91-92 % des enfants ayant reçu le vaccin ont été immunisés contre le flavivirus grâce à des infections antérieures au virus ou grâce à des vaccins contre l’encéphalite japonaise. Dans la phase 2 des essais du vaccin tétravalent contre la dengue, l’administration du vaccin aux participants a entrainé chez eux une augmentation des anticorps de défense contre l’infection. Il faut noter qu’une augmentation des anticorps de défense est considérée comme un moyen de protection contre l’infection des différents types de la Dengue, de la même manière que les individus vivant dans un environnement endémique et qui ont eu à attraper différents types de la Dengue développe une immunité. Comment s’explique alors la survenue de la Dengue de type 2 ?
Sabchareon et collègues avancent l’hypothèse que le génotype DENV2 incorporé dans la chimère de la fièvre jaune n’a peut-être pas favorisé l’apparition d’anticorps protecteurs contre l’autre génotype DENV2 qui a circulé en Thaïlande de 2009 à 2011.
Nous pouvons avancer une explication alternative liée à l’échec d’obtenir des réponses immunitaires satisfaisantes lorsque la mixture des quatre vaccins contre la dengue est donnée aux patients ou aux cobayes singes.
Bien que basé sur de nouveaux outils de plus en plus adaptés pour comprendre et manipuler les génomes viraux, le développement du vaccin contre la Dengue fait face à de nombreux défis liés notamment à l’insuffisance des données dont nous disposons pour comprendre les mécanismes par lesquels les êtres humains sont protégés par les infections initiales et successives causées par les quatre types de dengue.
Cet essai constitue une mise en garde aux chercheurs pour une plus grande prudence dans la conception des prochains essais sur l’efficacité du vaccin contre la Dengue. Ils devront inclure un nombre plus important d’enfants à risque contrairement à ce qui a été fait dans le cadre de cet essai.
Oumar Mallé Samb