Cette semaine, Delphine Boulenger nous présente la situation des contrats entre les hôpitaux confessionnels en Afrique sub-saharienne. Cet éditorial résume le livre récemment publié sur le sujet. D’autres sujets aussi intéressants vous sont servis. Comme la semaine dernière le planning familial, mais aussi le financement des vaccins et de la lutte contre le paludisme. Nous vous conseillons de lire également la comparaison entre les hôpitaux privés et publics en Afrique sub-saharienne et surtout les 10 meilleurs outils pour formuler des politiques de santé basées sur l’évidence.

 

Editorial

Contrats sous tension entre hôpitaux confessionnels et autorités publiques de santé en Afrique sub-saharienne

Par Delphine Boulenger – Lire ici

Planning familial

 

1. BMJ (Editorial) – Réaliser les besoins non couverts en planning familial

Titre original: Meeting an unmet need for family planning

Gavin Yamey et al.;

http://www.bmj.com/

Même aujourd’hui plus de 120 million de femmes entre 15-49 ans n’ont pas accès à des services de planning familial. Mais on aura bientôt trouvé des solutions à ce problème chronique lors de la conférence internationale organisée en tandem par la fondation Bill et Melinda Gates et le gouvernement d’Angleterre le 11 juillet 2012 à Londres. Cette conférence a pour but de déclencher un mouvement global pour faciliter l’accès à des services de planning familial à ces 120 millions de femmes en pays en développement d’ici fin 2020. Ces mesures, très efficaces et rentables du point de vue de la santé publique doivent être bien financées à l’aide des initiatives de coût efficacité pour élargir la zone de traitement.

« The Guttmacher Institute and International Planned Parenthood Federation » estiment que cette accès facilité à ces services éviterait 53 million des grossesses non-désirées tous les ans. Ceci résultera en 22 millions de naissances imprévues en moins et 25 millions d’avortements provoqués en moins. Dans d’autres mots un accès facile au planning familial dans les pays en développement renforcera l’efficacité de l’ensemble des programmes de santé publique avec un impact positif sur le taux de la mortalité maternelle et infantile. Ceci dit, « planning familial est le meilleur investissement pour la santé publique ».

Il est temps de refocaliser nos efforts pour l’amélioration de la santé reproductive, qui a subi une chute du budget de 8,2% en 2000 à 2,6% en 2009. Pour corriger l’erreur commise au début, il faut dorénavant que le traitement pour le VIH/SIDA soit combiné avec le traitement pour la santé reproductive. L’article mentionne que des programmes de santé globale en généra ont une tendance à bien commencer  mais à ne pas finir forcément bien. Il exprime ces inquiétudes et craint que cette initiative renouvelée sur le planning familial ne se finisse de la même manière en 2020.

 

Devaki ERANDE

Sciences Po Paris


Financement et Politiques de santé

 

 2. Bulletin WHO – Réduction du prix du Vaccin Rotavirus : Est-ce assez pour faciliter l’accès au plus nécessiteux ?

Titre original: Reduced price on rotavirus vaccines: enough to facilitate access where most needed?

Lizell B Madsen et al.

Sources : http://www.who.int/

L’infection à rotavirus est la cause la plus fréquente de la diarrhée infantile sévère. Elle entraine  environ 527 000 décès d’enfants chaque année. La majorité de ces décès se trouve dans les pays à faible revenu, en particulier en Afrique et  en Asie. Mais, les vaccins permettant d’éviter ces infections  n’ont été que partiellement mis en œuvre dans les programmes nationaux de vaccination des pays à faible revenu ; notamment en raison de leur coût très élevé. C’est ainsi qu’il est nécessaire d’examiner si les prix des vaccins nouvellement proposées sont suffisamment bas  et discuter des étapes qui doivent être prises à l’avenir pour faciliter l’introduction des vaccins antirotavirus et assurer leur soutien financier dans les pays à faible revenu.

L’OMS  a recommandé d’introduire le vaccin contre le rotavirus dans les programmes de vaccination nationaux à travers le monde.  Seulement, 4 des 56 pays les plus pauvres utilisent systématiquement ce vaccin. En réalité, lorsque les deux vaccins antirotavirus ont été homologués en 2006, le Rotarix ® coutait environ 132 fois plus cher par dose que les vaccins traditionnels du PEV, tandis que le RotaTeq ® était 90 fois plus cher. Puis, la firme pharmaceutique GlaxoSmithKline a offert une réduction de 67% ; ce qui constitue le plus bas prix public actuellement disponibles. Malgré cet effort, le vaccin antirotavirus continue à être plus coûteux que les vaccins infantiles classiques  et le maintien d’un programme de vaccination rotavirus serait encore inabordable pour les pays à faible revenu. D’où l’engagement de L’Alliance GAVI  à supporter financement les pays les plus pauvres du monde dans l’obtention du vaccin.

Les prochaines étapes seront d’apporter un soutien financier pour l’achat de vaccins ; susciter un  engagement politique, condition préalable pour l’introduction réussie et la durabilité des programmes de vaccination ; créer un partenariat entre les produits et le transfert technologie pour stimuler le développement et la recherche vaccinale et permettre aux pays à faible revenu la fabrication de vaccins contre le rotavirus au niveau local.

En conclusion, de nouvelles opportunités de financement durable pour  le PEV dans les pays à faible revenu ont besoin d’être identifié et occuper le 1er rang sur les agendas sanitaires.

En réduisant les décès dus au rotavirus, l’accès universel au vaccin contre le rotavirus peut grandement contribuer à la réalisation des « Objectifs de développement du Millénaire »consistant à réduire la mortalité infantile. La communauté internationale de santé publique devrait faire tous les efforts pour assurer l’accès universel aux vaccins contre le rotavirus.

Laure Fotso

 

3. BMJ (Analysis) – Risque général de résistance aux ARV en Afrique sub-saharienne

Titre original: Global threat from drug resistant HIV in sub-Saharan Africa

Raph L. Hamers et al.;

http://www.bmj.com/

La lutte contre le VIH/SIDA a pris un nouveau virage il y a 16 ans avec l’introduction des ARV pour le traitement. Ces ARV ont permis aujourd’hui de sauver des millions de vies. Dans la région de l’Afrique sub-saharienne, région la plus élevée touchée, l’engagement politique exprimé au niveau de l’Etat et les ressources mobilisées grâce à la communauté internationale, ont contribué à favoriser l’accès au traitement de plus de cinq million d’africains infectés par le VIH/SIDA.

Cependant, peu d’attention a été accordée à l’émergence la pharmaco résistance du VIH observée. Si dans les pays développés, une attention particulière a été de mise, il n’en est pas le cas dans les pays à ressources limitées comme les pays africains. Des études récentes conduites dans la région ont relevé des niveaux croissants de résistance aux médicaments et cela est très préoccupant car cette résistance est observée dans la classe des médicaments liés à la prévention de la transmission Mere-Enfant. Cette situation pourrait handicaper sérieusement les efforts des programmes nationaux de lutte contre le VIH/SIDA, car le défi pour ces programmes est de pouvoir  identifier dans un bref délai les patients chez qui le traitement est un échec pour qu’ils puissent être mis rapidement à la thérapie de deuxième ligne.

Pour Raph Hamers et ses collègues, auteurs de cette étude, ils préconisent donc,  que l’évaluation de la résistance aux médicaments ARV soit  intégrée dans les programmes nationaux de traitement du VIH et que les partenaires techniques et financiers pourraient également travailler avec les autorités sanitaires pour mettre en place des réseaux de surveillance pour le suivi de la résistance aux traitements. Le partage de ces informations entre professionnels, décideurs et les chercheurs en santé contribueraient à réduire les risques de résistance.

Au regard de ce qui précède, il est évident que la lutte contre le VIH/SIDA est loin de prendre fin. Espérons tout de même que le Truvada qui vient d’être accepté sur le marché Américain comme alternative préventive, pourra réduire considérablement les nouvelles infections. Cependant, l’Afrique pourrait-elle avoir accès ?

Morris Kouame

 

4. Plos Medicine – Analyse comparative de la performance des secteurs publics et privés en Zfrique sub-saharienne: revue systématique de la literature

Titre Original : Comparative Performance of Private and Public Healthcare Systems in Low- and Middle-Income Countries: A Systematic Review

Sanjay Basu et al.;

http://www.plosmedicine.org/

Trancher le débat entre les partisans d’un système de soins privatisé, et ceux d’un système public n’est pas aisé. Encore plus dans les pays à faible et moyen revenu, à l’heure d’une crise sans précédent, de budgets exsangues et d’une incitation grandissante des instances financières internationales à recourir à une privatisation des soins.

Alors que les premiers mettent en avant le rôle déterminant du secteur privé dans la rationalisation de l’offre de soins – une gestion et une organisation plus efficace, durable et redevable -, les défenseurs du public soulignent le caractère universel d’un système de soins public garantissant à un accès à tous selon les standards médicaux en vigueur.

Gardant à l’esprit ces oppositions, les auteurs de l’article nous proposent une analyse exhaustive de la littérature en la matière. Leur démarche vise évidemment à éclairer le débat. Ils souhaitent ainsi comprendre dans quelle mesure le caractère public ou privé d’une institution de soins est déterminant sur la qualité des soins délivrés.

Les auteurs reconnaissent volontiers que définir la frontière entre ce qui est privé et ce qui est public n’est pas simple, dans la mesure où le secteur public et le secteur privé sont parfois complémentaires. En outre, le secteur privé n’est pas un bloc homogène : faut-il par exemple prendre en compte les « fournisseurs informels » ? Ces éléments sont repris dans l’analyse afin de nuancer les résultats obtenus.

Méthode

La revue littéraire s’appuie sur une recherche documentaire très large de données liées au secteur privé, à la privatisation, aux partenariats public-privé et au secteur public. Les documents analysés sont issus de publications académiques, mais également de rapports d’organisations non-gouvernementales et d’agences internationales.

Outre un certain nombre de filtres, les données sont ensuite analysées suivant les six thèmes des systèmes de santé définis par l’OMS :

  • accès et rapidité d’intervention
  • qualité
  • résultats
  • redevabilité, transparence et réglementation
  • intégrité et équité
  • efficacité.

Résultats

L’application des critères et filtre de recherche a permis d’isoler 102 articles pertinents.

Les éléments suivants se dégagent :

  • les barrières financières dans l’accès aux soins demeurent dans les deux cas
  • les patients rapportent un meilleur accès et une plus grande rapidité d’intervention dans le secteur privé
  • des infractions aux standards médicaux sont plus souvent constatées dans le secteur privé vs une meilleure qualité de soins dans le secteur public.
  • de meilleurs résultats pour les patients dans le secteur public : cela est corroboré par des études sur les effets post-privatisation qui démontrent une aggravation sanitaire (Colombie et Brésil).
  • transparence et responsabilité disparates : inexistant pour le secteur privé, faibles quantité et qualité des données dans le secteur public ainsi que pour les partenariats public-privé.

Discussion

L’argument d’une plus grande efficacité et redevabilité avancé par les défenseurs d’un système privé n’est pas corroboré par les résultats de l’étude.

Cependant, les résultats ne permettent pas de trancher clairement le débat entre secteur public et secteur privé, dans la mesure où les résultats – et les méthodes – varient sensiblement d’un pays à l’autre. Les auteurs insistent sur les forces et faiblesses de chaque système, et soulignent enfin la faible qualité et quantité d’informations disponibles pour pouvoir effectuer correctement une analyse comparative des performances des deux systèmes.

Commentaires

Entreprendre de comparer les performances des systèmes privé et public de soins dans les pays à faible et moyen revenus est indispensable. Le réussir est autrement plus difficile.

Les auteurs reconnaissent volontiers que l’hétérogénéité des données, des méthodes utilisées pour recueillir ces données, des objectifs liés à ces études de performance et à leurs biais idéologiques – qu’il s’agisse du secteur privé lucratif ou non, ou du secteur public – ne permettent pas de conclure de manière systématique quant à la primauté d’un système sur l’autre.

Ces derniers ont eu le courage et l’audace de tenter de synthétiser la littérature existante et de proposer une lecture à la lumière des 6 critères de l’OMS. Saluons cette démarche. Toutefois, le rendu proposé est peu lisible. L’information est peu regroupée – en dehors des 6 thèmes – et faiblement hiérarchisée. Les résultats sont égrenés sans fil conducteur. Cela se retrouve d’ailleurs dans la discussion – réduite à sa portion congrue – où les auteurs peinent à proposer une lecture consistante, et se contentent plutôt de se dédouaner quant aux limites de leur démarche.

Damien Porcher

Sciences Po Paris

 

5. JAMA – Baisse des financements de la lutte contre le paludisme

Titre original: Cuts in Malaria Financing

M.J. Friedrich;

http://jama.jamanetwork.com/

La réduction des financements de la lutte contre le paludisme serait due à la documentation sur les résurgences qui ont eu lieu ces dernières 80 années. Les auteurs ont fait une revue de la littérature des contextes où le paludisme avait réapparu après une éradication. Ils ont donc classé ces résurgences en trois groupes : faiblesse des programmes de contrôle, augmentation de la transmission, et enfin résistance aux insecticides. Ils ont trouvé 75 résurgences dans 61 pays entre 1930 et 2000 et ont constaté que 68 cas étaient dus à la faiblesse du programme de contrôle du paludisme.

Ces financements baissent du fait de la décision du Fonds Mondial de suspendre les financements contre le paludisme jusqu’en 2013.

Basile Keugoung

Recherche

6. HP&P – Les 10 meilleures ressources pour… la formulation des politiques de santé basées sur l’évidence

Titre original: Ten best resources for… evidence-informed policy making

Kaelan A. Moat & John N. Lavis;

http://heapol.oxfordjournals.org/

Cet article a pour but de fournir une liste non exhaustive des ressources les plus disponibles au public en termes de politiques sur la santé fondées sur l’obtention de preuves scientifiques.

Il répond à un besoin de la part des décideurs politiques de renforcer la légitimité de leurs politiques de santé et l’efficacité de celles-ci en se fondant sur des études servant de preuves, applicables dans un certain contexte.

En effet, les sciences politiques, portant pourtant le nom de « sciences », n’ont pas été jusque-là soumises aux mêmes règles que les sciences dures. Ces dernières nécessitent la mise en place d’expériences dans le but d’obtenir des preuves irréfutables, avant de pouvoir appliquer de nouvelles théories à la pratique. On ne saurait imaginer un médicament mis sur le marché s’il n’avait pas donné la preuve de son efficacité et de son innocuité. Et pourtant en sciences politiques, de nombreuses politiques ont été mises en place sans avoir fait l’objet au préalable de recherche fournissant des preuves irréfutables de leur efficacité et de leur innocuité. Les auteurs du présent article soutiennent les récents efforts de « scientificité des décisions politiques » et ont donc réuni les principales ressources disponibles à l’heure actuelle pour les décideurs politiques s’inscrivant dans cette même démarche de scientificité de la décision politique. Ces ressources s’adressent également aux chercheurs, puisqu’un tel changement de paradigme en matière de politique publique ne peut s’opérer sans un effort bilatéral, sans une coopération entre d’un côté les décideurs politiques et de l’autre les chercheurs.

Les auteurs identifient ainsi six voies principales sur lesquelles s’engager afin de renforcer ce processus de décision politique fondée sur l’évidence scientifique :

  • Le climat, soit l’état de motivation de ceux à la base de la recherche quant à l’application pratique des résultats scientifiques.
  • La production de la recherche : que celle-ci soit orientée dans le but d’être utilisée par les décideurs politiques pour résoudre les problèmes sociétaux.
  • Les efforts du côté des chercheurs : quelles stratégies sont utilisées pour rendre les résultats accessibles aux décideurs ?
  • Les efforts pour faciliter les démarches des décideurs : quelle est la visibilité des travaux de recherche pour les décideurs politiques ?
  • Les efforts des décideurs : quelles structures et quels processus sont modifiés de manière à utiliser la recherche dans le processus de mise en place de nouvelles politiques publiques de santé ?
  • Les efforts d’échange : quelles sont les interactions entre décideurs et chercheurs afin de répondre aux problèmes de santé publique ?

Pour chacune de ces voies à améliorer, les auteurs proposent une ou plusieurs ressources, qu’il convient donc de médiatiser puisque c’est là même le but de l’article : faire connaitre au public ces ressources :

– Le rapport mondial sur la connaissance pour une meilleure santé, publié en 2004 par l’OMS (World Report on Knowledge for Better Health)

– La note d’information ‘Priority Setting for Health Policy and Systems Research’ de l’Alliance pour la recherché sur les politiques et les systemes de santé (Alliance for Health Policy and Systems Research

– ‘Knowledge Translation : A ‘Research Matters” toolkit’ du Centre de Recherche pour le Développement International.

– L’article « How can we support the use of systematic reviews ? » de Lavis.

– La base de donnée Health Systems Evidence (http://www.healthsystemsevidence.org)

– ‘Toolkit for Progressive Policymakers in Developing Countries’ de Sophie Sutcliffe et Julius Court, de l’Institut de Développement d’Outre-mer

– Les guides « SUPPORT Tools for evidence-informed health Policymaking (STP) »

– Le rapport de la Canadian Health Services Research Foundation ‘Conceptualizing and Combining Evidence for Health Systems’

– L’article ‘Using ‘linkage and exchange’ to move research into policy at a Canadian foundation’, de la meme foundation

– La plateforme d’échange et de collaboration entre chercheurs et décideurs politiques PAHO EQUIDAD listserv  (http://listserv.paho.org/scripts/wa.exe?A0¼equidad)

 

Ces ressources sont à la disposition de tous les acteurs de ce nouveau processus d’amélioration des politiques de santé par l’utilisation au préalable d’études scientifiques pertinentes vis-à-vis des problèmes de santé publiques.

 

Jeanne TAMARELLE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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