Par Delphine Boulenger
Dans beaucoup de pays la relation entre hôpitaux gérés par l’Eglise et autorités publiques est régulièrement génératrice de tensions. Dans les pays en développement, cela conduit à des problèmes dans la mesure où les hôpitaux confessionnels assument souvent une part importante des soins de santé. Des chercheurs de l’Institut de Médecine Tropicale d’Anvers ont étudié le problème en se basant sur les relations contractuelles entre Eglise et autorités publiques de santé dans quatre pays d’Afrique et ont publié un livre sur le sujet.
Ce livre présente les principaux résultats d’une étude qualitative conduite entre septembre 2007 et mars 2009 pour le compte du réseau d’ONG Medicus Mundi International (MMI) sur le sujet des arrangements contractuels entre organisations confessionnelles et autorités publiques de santé dans quatre pays d’Afrique sub-saharienne : le Cameroun, la Tanzanie, le Tchad et l’Uganda.
Les auteurs s’intéressent plus particulièrement aux contrats conventionnels de délégation de responsabilité, par lesquels l’Etat confie à un partenaire, ici une organisation ou un hôpital confessionnel(le), la responsabilité de fournir un certain service en échange d’un paiement et d’éventuels autres avantages (appui en ressources humaines par exemple). Dans le cadre de ces contrats, les autorités publiques de santé cherchent à améliorer et à développer la couverture sanitaire nationale, particulièrement dans les zones rurales. Le secteur confessionnel de son côté cherche à gagner une reconnaissance officielle et des subventions appropriées de la part du secteur public.
Le livre cherche à répondre en partie au manque actuel de preuves existant sur l’impact des contrats conventionnels, basés sur les intrants passés entre les deux secteurs. Les questions auxquelles les auteurs ont cherché à répondre au travers de cette étude sont les suivantes : les expériences contractuelles existantes entre organisations ou hôpitaux confessionnel(le)s et autorités publiques de santé fonctionnent-elles ? Et si oui, pour quelle(s) raison(s ? Si l’on peut parler d’échec, quelles sont les raisons ou mécanismes susceptibles de l’expliquer?
Ce travail s’appuie sur une analyse documentaire approfondie et l’analyse d’une masse documentaire et de plus de 100 interviews menées dans les quatre pays de l’étude aux différents échelons de la pyramide sanitaire auprès de représentants des secteurs public et confessionnel de la santé.
Le cas des contrats conventionnels a été étudié au travers des exemples du Cameroun, de la Tanzanie et du Tchad avec le cas d’hôpitaux (Cameroun, Tanzanie) ou d’organisations confessionnelles (Tchad) ayant passé contrat avec les autorités publiques de santé pour délivrer une mission de service public : hôpitaux confessionnels établis comme hôpitaux de district (Cameroun, Tanzanie), ou organisation confessionnelle assumant la gestion d’un district sanitaire pour le compte du Ministère de la santé (Tchad). A titre de comparaison, les auteurs se sont également intéressés au cas (Uganda) des contrats de performance établis entre hôpitaux confessionnels et certains des récipiendaires principaux de PEPFAR (President’s Emergency Plan for AIDS Relief). Il s’agissait d’exploiter le potentiel d’apprentissage de ces exemples et de voir dans quelle mesure des différences pouvaient être observées en matière de ‘réussite’ des contrats établis entre ce type de contrats, en pleine expansion et ceux, conventionnels, à l’œuvre dans les autres pays de l’étude.
Une lecture comparée et l’analyse des cinq études de cas ont permis aux auteurs d’identifier un certain nombre de traits communs au sein de la diversité des pratiques contractuelles étudiées, le principal étant constitué par les grandes difficultés rencontrées par les expériences contractuelles conventionnelles existant actuellement entre les secteurs sanitaires public et confessionnel. Cette crise, largement sous-estimée, en particulier par le secteur public répond à diverses raisons. Le manque de préparation des acteurs, les manquements et notamment l’incomplétude des documents contractuels eux-mêmes et leur manque d’inscription dans les cadres (politique contractuelle, politique partenariale) existants. En troisième lieu, les études de cas révèlent une forte dichotomie entre niveau central et niveau périphérique du système de santé, qui contribue à fragmenter le paysage contractuel et se révèle un indice du caractère incomplet et immature du processus de décentralisation du système de santé. Enfin, la signature d’agréments contractuels semble n’apporte qu’une amélioration très relative au manque de ressources financières et humaines, les gouvernements ne respectant pas toujours, ou incomplètement leurs engagements. Des ressources suffisantes permettent au contraire – comme le montre l’exemple des contrats PEPFAR en Uganda – aux contrats de répondre aux attentes préétablies.
Ces derniers contrats s’avèrent de leur côté insuffisamment adaptés au contexte national. Ils tendent par ailleurs à court-circuiter les structures nationales, à ne pas capitaliser les leçons des expériences contractuelles antérieures ou co-existantes, et sont généralement caractérisés par un certain degré d’opacité pour les acteurs extérieurs. Ils forment cependant une expérience intéressante, qui contraste avec les contrats plus conventionnels par un fonctionnement plus satisfaisant ; ils s’avèrent appréciés des acteurs opérationnels en raison de leur fiabilité et de la qualité de leurs mécanismes de suivi et d’évaluation.
Face au constat général de crise des contrats conventionnels, les auteurs proposent une série de pistes d’amélioration. Dans ce contexte, une prise de conscience de la situation de la part de tous les acteurs impliqués et de la nécessité d’améliorer connaissance et expertise en matière de suivi et d’évaluation des contrats apparaissent comme des préalables indispensables. Il est également nécessaire que le secteur confessionnel de la santé poursuivre son œuvre de professionnalisation pour s’adapter à la complexité croissante du système de santé.
L’homogénéisation du paysage contractuel doit passer par la révision des contrats ‘historiques’ et leur adaptation aux modèles et politiques en vigueur. Enfin, les auteurs préconisent un appui sur mesure, nécessaire pour faire face à la grande diversité des cas particuliers: sous forme de formations spécifiques, d’appui technique et d’un encadrement continu, destinés à s’assurer que les arrangements contractuels en place soient effectivement adaptés aux besoins locaux.
Obtenir le livre
Le livre est disponible sous format papier ou pdf et peut être obtenu sur simple demande adressée à l’Institut de Médecine Tropicale (IMT), à Mme Rita Verlinden: rverlinden@itg.be