Cette semaine de mai marque le début du célèbre Festival de Cannes avec la très attendue comédie capitale « Minuit à Paris » de Woodie Allen. Si toutes les caméras sont braquées à Cannes, à moins de 300 km se tient pourtant un autre évènement majeur, disons majeur pour les acteurs des systèmes de santé des pays en voie de développement.
Le Centre d’Etudes et de Recherches sur le Développement International (CERDI) organise durant 3 jours (du 11 au 13 mai) son troisième colloque international sur le thème du financement des systèmes de santé dans les pays en développement. Ce colloque s’inscrit dans le prolongement des deux précédents organisés en décembre 2000 et 2005 et se propose de réunir des participants d’horizons divers pour échanger autour de travaux théoriques, conceptuels, méthodologiques et appliqués portant sur la problématique actuelle du financement de la santé dans les pays en développement et émergents.
Le 1er jour de la conférence comporte un atelier international organisé par le « Réseau pour l’Incitation à la Performance des Prestataires de Soins ». Il s’agit d’un groupe d’experts et de chercheurs du nord, convaincus que les incitations devraient recevoir plus d’attention dans l’organisation des systèmes de santé dans les pays à faible revenu. L’objectif de cette pré-conférence est double : (1) tirer les leçons des récentes expériences du financement basé sur la performance et du paiement pour la performance dans divers contextes, (2) discuter des défis, risques et opportunités de l’approche de l’aide basée sur la performance.
Le financement de la santé est un pilier essentiel du système de santé et occupe une place centrale dans la poursuite des Objectifs du Millénaire pour le Développement.
Très souvent, ce genre de rencontre organisée pour discuter des problèmes des systèmes de santé des pays pauvres reste largement influencé par les acteurs du nord (pays riches). Les questions du financement de la santé dans les pays du sud ont toujours été dominées par les bailleurs. Et pendant que ces organisations et institutions parlent au nom de ces États à ressources limitées, les Etats eux-mêmes ont à peine voix au chapitre. Par exemple, moins de 20% participants à ce Colloque du CERDI viennent des pays en développement.
Clermont sera sans doute une étape pour la route de Busan. Durant cette semaine, les réponses aux questions liées au financement de la santé auront un impact important sur la vie de millions de personnes dans le monde en développement. Les acteurs présents auront donc une lourde responsabilité, celle de proposer les meilleures stratégies pour améliorer le financement des systèmes de santé des pays à faible revenu.
Isidore Sieleunou & Basile Keugoung
Health Policy & Financing
1. KFF – MSF Letter Criticizes Johnson & Johnson For Not Joining Medicines Patent Pool
http://globalhealth.kff.org/Daily-Reports/2011/April/26/GH-042611-MSF-Letter.aspx
MSF a récemment envoyé une lettre à Johnson & Johnson, une compagnie pharmaceutique qui refuse d’accorder la licence à un programme qui permettrait de réduire les prix de 3 antirétroviraux (rilpirivine, darunavir et etravirine) contre le VIH. Ces 3 antirétroviraux sont utilisés quand les patients ont développé les résistances aux médicaments de première ligne. La compagnie Johnson & Johnson a déclaré qu’elle préférait signer des contrats avec les fabricants de génériques. La compagnie Tibotec a annoncé en Février qui détient la Licence pour fabriquer le rilpivirine a annoncé qu’elle accordera les droits à trois fabricants de génériques afin de réduire les prix et rendre ce médicament en Afrique sub-saharienne. Judit Rius, qui mène la campagne pour l’accès aux médicaments essentiels souligne que la réduction des prix est très faible.
2. BMJ – WHO lists “best buys” for cutting deaths from non-communicable disease
John Zarocostas
http://www.bmj.com/content/342/bmj.d2648.full.pdf
En Avril 2011, l’OMS a publié un Rapport sur les maladies non transmissibles, première cause de mortalité dans le monde. Ces maladies vont augmenter de façon significative dans les prochaines décennies si des interventions efficaces ne sont pas menées pour réduire les facteurs de risques, détecter précocement, et initier le traitement. En 2008, les maladies non transmissibles ont été responsables de 63% des 57 million de décès dont 80% sont survenus dans les pays à faible et moyen revenu.
Les maladies non transmissibles peuvent être réduites grace à la réduction des facteurs de risque tels que le tabac, l’alcool, l’inactivité physique, et le mauvais régime alimentaire.
Il existe des interventions efficaces et moins chères mais certaines sont dites « à meilleur prix » et devraient être mises en œuvre immédiatement pour accélérer les résultats en termes de vies sauvées, de maladies prévenues et de lourdes dépenses évitées. La liste des 10 interventions comporte :
- La protection du public contre le tabac et l’interdiction de fumer dans les lieux publics
- Les conseils sur les dangers du tabac
- L’interdiction de la publicité, de la promotion et du sponsoring sur le tabac
- L’augmentation des taxes sur le tabac
- Restriction de l’accès à l’alcool
- L’interdiction de la publicité sur l’alcool
- L’augmentation des taxes sur l’alcool
- La réduction de la consommation de sel
- L’utilisation des graisses poly-insaturées dans les aliments
- La promotion des activités physiques et d’une bonne hygiène alimentaire.
Les évidences actuelles montrent que la plupart des maladies non transmissibles peuvent être prévenues ou traitées. Les interventions doivent être multisectorielles.
3. CGD – The New Bottom Billion: Implications for GAVI?
Amanda Glassman;
http://blogs.cgdev.org/globalhealth/2011/04/the-new-bottom-billion-implications-for-gavi.php
Glassman constate que la grande majorité des enfants non vaccinés vivent dans les pays à moyen revenu (3e quartile). Bien qu’ils aient suffisamment de fonds, cela exigerait de nouvelles décisions d’allocation de ressources.
Certains pays à moyen revenus ne sont pas éligibles pour les fonds GAVI. La communauté devrait créer des mécanismes pour inciter les pays à moyen revenu à investir plus dans la santé publique et GAVI devrait élargir sa politique de vaccins à bas prix aux pays à moyen revenu.
4. Aids Research & Therapy – Estimating the impact of expanded access to antiretroviral therapy on maternal, paternal and double orphans in sub-Saharan Africa, 2009-2020
Aranka Anema et al.;
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3063201/
Anema et collègues ont modélisé l’impact de la trithérapie chez les adultes par le VH sur l’incidence des orphelins dans 10 pays d’Afrique sub-saharienne de 2009 à 2020. Le VIH/SIDA a causé plus de 11 million d’orphelins en Afrique sub-saharienne.
L’accès universel à la trithérapie permettrait d’éviter la survenue de 4,37 million d’orphelins d’ici 2020.
Il y a donc urgence à accélérer le passage à l’échelle de la trithérapie pour couvrir tous les personnes éligibles et bénéficier des effets positifs du traitement précoce.
Aid, Development & Global Public Goods
5. Guardian Povery Matters blog – The OECD should give up control of the aid agenda
Jonathan Glennie;
http://www.guardian.co.uk/global-development/poverty-matters/2011/apr/29/oecd-control-aid-agenda
Jonathan Glennie propose que l’OCDE abandonne le contrôle sur l’agenda de l’aide. En effet mise en place par les pays riches en 1961, l’OCDE avait pour but à travers le Comité d’Assistance au Développement de participer à la politique étrangère des pays et de rechercher les opportunités politiques et économiques pour les bailleurs. La pression de la société civile a permis d’obtenir la Déclaration de Paris. Mais les déséquilibres de pouvoir entre le Nord et le Sud sont restés presque les mêmes et l’aide continue d’être une nécessité pour les économies des pays pauvres.
Pour que les principes de la Déclaration de Paris puissent être effectifs, les bailleurs doivent revoir l’agenda de l’aide et ceci pour 3 raisons :
- Certains pays tels que la Chine, l’Inde, l’Afrique du Sud, le Brésil et le Vénézuela deviennent de plus en plus d’importants bailleurs pour les pays pauvres. L’aide de l’OCDE est estimée à 125 milliard US$ tandis que l’aide des pays non-OCDE est estimé entre 30 et 60 milliard US$. Ces derniers pays refusent d’entrer dans l’OCDE et leur aide est moins contraignante.
- La stratégie utilisée par l’OCDE pour allouer l’aide est dépassée car est fondée sur les relations post-coloniales. De nombreuses coopérations Sud-Sud se mettent aujourd’hui en place. D’ailleurs le mot aide est anachronique car tous les pays bénéficient de la coopération pour le développement.
- La nouvelle ère de l’aide sera centrée sur les pays récipiendaires. Les pays travailleront ensemble de façon plus équilibrée pour discuter des processus et des procédures.
L’OCDE devrait abandonner la responsabilité de la coordination générale de l’aide et jouer un nouveau rôle dans la gestion de l’aide au niveau international.