Edito: La couverture universelle des soins de santé dans les pays à faible revenu: une question cruciale

Le financement des systèmes de santé dans les pays à faible revenu reste une question cruciale dont les réponses n’ont jusqu’ici été que peu satisfaisantes dans la plupart des pays. Les mécanismes particuliers sont nécessaires pour faire bénéficier ceux qui sont incapables de payer les soins et services de santé, sinon la fracture entre les riches et les pauvres va s’élargir davantage. Les pauvres sont plus à risque de développer des problèmes de santé dont leurs revenus sont insuffisants pour garantir le paiement des soins pour une prise en charge adéquate. Naître pauvre et/où dans un village isolé ne devrait condamner personne à la misère d’être privé de soins médicaux corrects. Si la pauvreté est un déterminant robuste de l’iniquité en santé, l’accès universel aux soins à l’inverse est associé à un meilleur état de santé des populations y compris celui des populations défavorisées. Par conséquent, un mécanisme externe au revenu des individus au moment de la maladie est indispensable pour leur faciliter l’accès aux soins.

Les stratégies et mécanismes sont connus. Bismarck et Beveridge avaient tracé les deux principales voies, soit à travers l’assurance ou un financement étatique. De nos jours, la réalité est que tous les systèmes de financement qui permettent l’accès universel aux soins associent ces deux mécanismes pour réduire de façon substantielle le montant du paiement au moment où l’individu devient malade. La difficulté pour les pays est de faire un dosage adéquat de chaque stratégie pour qu’il y ait une adhésion et une participation suffisante des populations qui génère suffisamment de ressources pour préfinancer les soins.

Au-delà des questions techniques, la volonté politique y manque et reste le principal déterminant de l’absence de réforme et du sous-financement des systèmes de santé. Prépayer signifie imposer, taxer, obliger des personnes ‘non malades’ à contribuer au financement de leur système de santé. Cela nécessite l’utilisation du ‘bâton’ plutôt que de la ‘carotte’ auprès des futurs électeurs pour les contraindre à s’exécuter. Et la peur de la révolte des classes moyennes et riches oblige les politiciens à maintenir le statut quo que l’on observe aujourd’hui en dehors de quelques pays tels que le Rwanda et le Ghana qui ont pu réformer véritablement le financement de leurs systèmes de santé.

Il y va cependant de l’intérêt de tous que ces réformes évidement douloureuses soient menées. A long terme, le système devient bénéfice pour tous. La réforme institutionnaliserait la solidarité. Le pauvre ne compterait plus uniquement sur son cousin ou son oncle pour le paiement de ses soins de santé, mais sur le système. La solidarité est pourtant ancrée dans la culture de la majorité des peuples des pays à faible revenu, il ne reste malheureusement qu’à l’institutionnaliser.

Basile Keugoung et Isidore Sieleunou

Sommaire:


Global Health Policy & financing

1.      Lancet – Pay-for-performance and the Millennium Development Goals

Dominic Montagu, Gavin Yamey;

http://www.lancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(11)60544-8/fulltext?_eventId=login

Montagu & Yamey commentent l’étude d’impact menée par Bassinga et al. parrue récemment dans le Lancet. Selon Bassinga et al. l’incitation par le payement pour la performance au Rwanda améliore simultanément l’utilisation et la qualité des services de santé maternelle et infantile, et peut dès lors être une intervention efficace pour accélérer le progrès pour l’atteinte des objectifs du millénaire pour le développement en santé. Pour Montagu & Yamey, « l’étude de Bassinga et collègues est une bonne nouvelle. Elle montre que le payement pour la performance peut améliorer l’utilisation des services de santé maternelle et infantile. Si cette utilisation est soutenue dans le long terme et traduite par une réduction des taux de mortalité maternelle et infantile, particulièrement au sein des populations les plus vulnérables, le payement pour la performance sera sûrement vu comme un outil important pour accélérer le progrès pour l’atteinte des objectifs du millénaire pour le développement en santé ».

2.      BMC Health Services – Outcomes of Antiretroviral Treatment Program in Ethiopia: Retention of Patients in Care Is a Major Challenge and Varies Across Health Facilities

Yibeltal Assefa, Abiyou Kiflie, Dessalegn Tesfaye, Damen Haile Mariam, Helmut Kloos, Wouters Edwin, Marie Laga  and Wim Van Damme;

http://www.biomedcentral.com/1472-6963/11/81

Yibeltal et collègues analysent le pronostic des patients mis sous trithérapie dans 30 hôpitaux et 25 centres de santé en Ethiopie à 6, 12 et 24 mois après le début du traitement. Les formations sanitaires ont pu retenir 80% (29893 personnes), 74% et 68% de patients après 6, 12 et 24 mois après le début du traitement respectivement. Pour les patients suivis pendant 24 mois, les médianes des CD4 étaient passées de 125 (68-189) à 242 (161-343), 269 (185-380)  et à 316 (226-445), à 6, 12 et 24 mois respectivement.

Le défi reste la rétention des patients aux soins. Ils recommandent d’étudier l’organisation des soins dans les formations sanitaires avec différents niveau du taux de rétention des patients.

3.      BMC Public Health – Health systems performance in sub-Saharan Africa: governance, outcome and equity

Anna E Olafsdottir, Daniel D Reidpath, Subhash Pokhrel  and Pascale Allotey;

http://www.biomedcentral.com/1471-2458/11/237/abstract

La littérature sur les systèmes de santé se concentre essentiellement sur ​​la performance des systèmes de santé opérationnalisée sur des indicateurs tels que le nombre de lit, les soins maternels, la couverture vaccinale… Une définition plus large des systèmes de santé doit cependant inclure les grands déterminants de la santé, y compris, éventuellement, la gouvernance et ses relations avec l’équité en santé. Le but de cette étude menée par Olafsdottir et al. était d’examiner la relation entre les résultats des systèmes de santé et de l’équité, et la gouvernance comme élément d’un processus visant à étendre la gamme des indicateurs utilisés pour évaluer les systèmes de santé.

Les auteurs trouvent que la gouvernance est fortement associée à la mortalité infanto-juvénile. Cette étude suggère que la qualité de la gouvernance peut être un déterminant important de construction des systèmes de santé, et pourrait être un indicateur à surveiller. L’association suggère qu’il pourrait y avoir un lien de causalité. Cependant, d’autres recherches seront nécessaires pour évaluer cette relation causale, et sa validité externe.

4.      HP&P – Pro-sustainability choices and child deaths averted: from project experience to investment strategy

Eric G Sarriot, Eric A Swedberg and James G Ricca;

http://heapol.oxfordjournals.org/content/26/3/187.full.pdf+html

Sarriot et al. ont passé en revue l’expérience de Save the Children US en Guinée en termes d’investissement, approche de la durabilité et impact. Cette expérience offre trois critères de référence pour l’impact : le projet initial (21 vies d’enfant de moins de 5 ans sauvées / 100 000 $US), le projet d’expansion (37 vies d’enfant de moins de 5 ans sauvées / 100 000 $US) et le projet de continuation (100 vies d’enfant de moins de 5 ans sauvées / 100 000 $US).

En extrapolant cette expérience, les auteurs ont modélisé l’impact d’un scénario d’investissement traditionnel, avec un scénario pro-durabilité afin de comparer les décès évités par dollar dépensé sur cinq cycles de projet.

L’impact pour chaque dollar dépensé sur une stratégie pro-durabilité est 3,4 fois celle d’une stratégie traditionnelle sur le long terme (de 2,2 à 5,7 fois dans une analyse de sensibilité). Pour Sarriot et al., cette différence d’efficacité entre deux grandes approches d’investissement offre une hypothèse vérifiable pour les études à large échelle/long terme. L’efficience des programmes de santé pourrait être grandement améliorée en suivant une stratégie d’investissement pro-durabilité.

5.      Lancet (Correspondence) – Global health aid: raise more, spend better

Fatimata Moussa, David Hercot;

http://www.lancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(11)60574-6/fulltext

Dans son article en perspective, Jeffrey Sachs souligne que la clé pour faire de rapides progrès vers les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) est d’augmenter substantiellement le montant de l’aide de la santé mondiale et de la canaliser à travers des initiatives multilatérales de santé mondiale, tels que le Fonds mondial, l’Alliance GAVI et l’UNICEF.

Pour Moussa et Hercot, ces deux recommandations sont raisonnables, mais ils sont cependant en désaccord sur «comment» cette augmentation du financement multilatéral devrait atteindre les pays.

Au Niger, la plupart des fonds disponibles à travers l’UNICEF est affectée à la mise en œuvre des interventions ayant un effet à court terme sur la mère et la survie de l’enfant-que l’on appelle interventions de «gains rapides». D’énormes fonds sont par exemple investis dans la fourniture de thérapies à base d’artémisinine, les moustiquaires, et la solution de réhydratation orale qui donnent des résultats à court terme, mais n’ améliorent pas la capacité à long terme du système pour fournir des interventions à haut impact durable.

En outre, plus souvent qu’autrement, ces fonds sont mal alignés à la planification et aux mécanismes de gestion nationaux. La plupart des fonds sont disponibles de manière imprévisible et doivent être dépensés à curt terme. Cette situation est favorisée par la culture commune des institutions multilatérales : « mobiliser, dépenser, prouver ». Les auteurs auraient préféré que les mécanismes de financement renforcent la capacité du gouvernement à s’approprier et s’engager dans des activités de renforcement du système de santé telles que le recrutement et la motivation du personnel de la santé. Sinon, cela équivaut à la fourniture de glucose par voie intraveineuse à un enfant qui a faim alors que ses parents ne peuvent pas nourrir ses frères et sœurs.

Global Fund

6.      Aidspan –  U.S. Confirms Major Pledge to Fund; Some Other Donors Backtrack

Bernard Rivers;

http://www.aidspan.org/index.php?issue=144&article=2

Le congrès américain a décidé le 15 avril que les USA donneront 1,05 milliard de dollar au Fonds Mondial pour l’année fiscale qui se termine en septembre de cette année; le même montant engagé par le pays l’année précédente. Le chemin ayant mené à cet accord n’a pas été facile. Lors de la réunion de reconstitution du Fonds Mondial en octobre dernier, les Etats Unis se sont engagés, sous réserve de l’approbation du Congrès, à donner 4 milliards de dollars au cours des trois années 2011-2013 – une moyenne de 1,33 milliards de dollars par an. Mais après la prise du contrôle de la chambre par les Républicains, ils ont promis de couper ce montant à 0,6 milliards de dollars. Finalement, à l’issu de longues négociations en coulisse, une entente a été conclue sur les 1,05 milliards de dollars.

Cependant, un aspect standard d’une telle législation est que les Etats-Unis ne donnent pas plus de 33% du total donné par tous les pays du Fonds. Ainsi si les autres donateurs ne donnent pas deux fois plus que ce que les USA ont promis, cette contribution sera réduite.

Pour le moment, ce n’est pas encore clair si les autres donneront deux fois plus que la promesse des USA. Un problème est qu’il y’a l’émergence d’une tendance d’un certain nombre de donateur à ne pas respecter leur engagement. L’exemple le plus frappant est l’Italie, qui pour les années 2009 et 2010 n’a jamais rien payé de ses promesses de 183 millions de dollars par an. L’Espagne n’a payé que 134 millions de dollars sur les 250 millions promis en 2010, et l’Irlande seulement 11 millions de dollars des 48 promis en 2010. La France, les Pays Bas et les USA non plus n’ont pas encore totalement réglé leur contribution pour 2010, mais le Fonds est confiant que ces trois pays tiendront leur promesse.

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One Response to IHPNews #114fr

  1. Bangaly Doumbia says:

    Dans les pays à faibles revenus et généralement en Afrique subsaharienne, obtenir l’équité dans la qualité de l’offre des soins de santé est encore du domaine des rêves. L’accès universel aux soins de santé sous les tropiques, est un défi possible à relever. Quelque soit le mécanisme mis en place, le succès se trouve dans la volonté politique et dans la bonne gouvernance. La santé doit être une priorité dans les fais et pas seulement dans les discours électoralistes. Dans mon pays la côte d’ivoire, la part de l’état dans le budget de la santé stagne toujours à moins de 5%, loin des 15% (conformément à l’engagement fait par les états à Abuja en 2001). Beaucoup de bonnes idées ont été énoncées dans le Plan National de Développement Sanitaire 2009 – 2013, mais ce plan quinquennal n’a jamais connu un début véritable d’exécution. La priorité a été, pendant une décennie de trouver des solutions aux problèmes socio-politiques d’origine identitaire. Depuis le mois de novembre 2010, les salles d’hospitalisation du service de pédiatrie médicale d’un centre hospitalier universitaire d’Abidjan, sont inutilisables pour problèmes d’étanchéité des toitures du bâtiment. Cependant personne n’ignore ici que plus de 800 milliards de francs CFA (1,22 millions d’Euro) ont été utilisés par les ex gouvernants ivoiriens pour payer des armes lors de la crise post électorale. Quelle était la priorité ?
    En définitif, je pense qu’en plus de l’augmentation de la part de l’état dans le financement des systèmes de santé, les pays à faibles revenus devraient adopter et imposer des reformes basées sur l’assurance maladie universelle. Les financements qui reposent sur le payement direct des bénéficiaires des soins, maintiennent ces derniers dans la pauvreté et limitent l’accès à un plus grand nombre à la santé. L’accent doit être mis sur la sensibilisation et l’éducation des populations pour susciter leur pleine adhésion.

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