Elections présidentielles en Afrique sub-saharienne : l’insuffisance du débat autour des questions de santé contribue à la faiblesse des systèmes de santé
Depuis janvier 2010, les élections présidentielles se succèdent en Afrique sub-saharienne et bientôt ce sera le tour de la Guinée, la Cote d’Ivoire et dans près d’une dizaine de pays en 2011. La campagne électorale est une période où des programmes politiques sont élaborés par les candidats et des fora organisés pour discuter des questions qui touchent au bien-être des populations et surtout des électeurs.
Tout le monde est unanime que presque tous les pays d’Afrique sub-saharienne n’atteindront pas les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Cela signifie que la morbidité et la mortalité resteront élevées pour des problèmes de santé dont les moyens et solutions existent pour les prévenir et les traiter. L’espérance de vie va au mieux stagner à moins de 50 ans sinon continuer à baisser du fait de la croissance galopante de la pauvreté et des inégalités sociales qui excluent davantage les plus de 40% de pauvres de l’accès aux services sociaux de base (eau, éducation, santé, emploi).
Au regard des programmes politiques des candidats, l’objectif ‘passe partout’ se retrouve dans leur agenda, c’est-à-dire contribuer à l’amélioration de la santé des populations. La santé n’est pas perçue comme une condition péremptoire qui permette aux autres secteurs de la société de mieux fonctionner. Les questions d’ethnicité et des choix des individus sur la base de leur appartenance régionale, ethnique ou religieuse priment sur des programmes et stratégies de construction d’institutions fortes et crédibles qui garantissent à tous et à chacun un accès universel aux services sociaux de base. La conséquence est la malgouvernance qui s’en suit et le verrouillage des institutions pour permettre des mandats à vie une fois élu. Du fait de l’absence de redevabilité, les engagements sont pris chaque fois au cours des sommets par ces Chefs d’Etat – pour faire bonne mine peut-être -, ces engagement ne sont pas tenus, les années passent et les systèmes de santé restent faibles.
Vivement que la santé entre dans les débats des élections présidentielles en Afrique sub-saharienne pour que tous les postulants réfléchissent sur les valeurs et les missions inaliénables de leur système de santé, les stratégies et les activités à mener, des mécanismes de financement autres que le recouvrement direct des coûts auprès des usagers et l’institution d’une médecine de famille. Les prochaines campagnes électorales présidentielles initieront-elles ce débat sur la santé ? Nous l’espérons pour une fois. Wait and see…
Basile Keugoung, Isidore Sieleunou, David Hercot, Kristof Decoster, Josefien Van Olmen, Wim Van Damme
Global Health
1.
Unger et al. ; http://www.cambridge.org/us/catalogue/catalogue.asp?isbn=0521174260
Plus de 50 millions de personnes meurent chaque année dans les pays à faible et moyen revenus parmi lesquels plus de 10 millions sont victimes des maladies transmissibles que l’on peut traiter avec de simple médicaments tels que le paludisme, la tuberculose, les diarrhées… Malgré leur caractère effroyable, ces données ne sont pas nouvelles. Ce qui est nouveau, c’est la démonstration de la contribution des politiques de santé internationales à cette sinistre situation. Jean Pierre Unger et son équipe ont collecté pendant près d’une dizaine d’années des données sur les graves conséquences des politiques de santé internationales. Ces politiques ont favorisé les programmes de contrôle des maladies et la privatisation de l’offre de soins et du financement et ont restreint l’accès à la médecine de famille et aux soins hospitaliers.
Ce livre est intitulé « Politiques de santé internationale et de l’aide : Nécessité d’alternatives ». L’aide est octroyée à plus de 120 programmes de contrôle des maladies dans les pays à faible revenus. Cette bureaucratie est l’une des plus larges qui consomme le plus grand volume d’aide et produits des effets négatifs tel que la sous-utilisation des professionnels de santé à des tâches standardisées. Le modèle d’offre de soins encouragé par les politiques d’aide est rarement basé sur l’évidence. Le Costa Rica qui a les mêmes indicateurs de santé que les Etats-Unis par exemple dépense 9 fois moi
ns mais son modèle n’a jamais été diffusé par les politiques internationales.
Pour que les OMD soient atteints, les auteurs recommandent d’ajouter un OMD supplémentaire : l’accès à la médecine de famille et communautaire et aux soins hospitaliers. Sinon, les programmes de contrôle des maladies continueront à pêcher dans des mares sèches des candidats pour mettre en oeuvre leurs activités.
Il est urgent et essentiel de développer un secteur santé à but non lucratif ayant une mission sociale et une finalité publique afin de coordonner toutes les organisations de santé. Ceci permettrait d’éliminer la fragmentation des services de santé dans les pays à faible revenus et d’intégrer les interventions de contrôle des maladies dans une perspective centrée sur le patient, des soins de santé humanisés.
2. WHO Bulletin – National and global responsibilities for health
Gostin et al.; http://www.who.int/bulletin/volumes/88/10/10-082636/en/index.html
Pourquoi les résultats de santé sont si faibles dans les pays pauvres, en dépit du fait que l’assistance internationale dans ce secteur ait quadruplé durant ces deux dernières décennies? L’OMS perçoit la santé comme étant « une responsabilité partagée », mais les acteurs internationaux de ce secteur agissent en général suivant leurs propres intérêts plutôt que d’adopter des approches harmonisées. Cet éditorial du Bulletin de l’OMS se penche sur les responsabilités nationales et mondiales en matière de santé. Gostin et al. veulent établir une Initiative Commune d’Apprentissage sur les Responsabilités Nationale et Globale de santé, conjointement avec d’autres, « pour articuler un cadre cohérent pour le partage des responsabilités de santé, au-delà des OMD ». L’Initiative forge un consensus international autour des solutions aux 4 défis que sont : (1) définir les biens et services de santé essentiels ; (2) clarifier les obligations des gouvernements envers leurs propres citoyens ; (3) explorer les responsabilités de tous les gouvernements envers le monde des pauvres ; et (4) proposer une architecture globale pour améliorer la santé par principe de justice sociale.
La gouvernance mondiale de santé est essentielle du fait que les Etats n’accepteront pas de normes internationales sans un partenariat véritable, une répartition équitable du fardeau et des programmes efficients devant améliorer les résultats de santé. Jusqu’à présent, les défis politiques, légaux et économiques entravent la gouvernance effective. Les pays font face à de sérieux problèmes de fragmentation, duplication, et même confusion, parmi le déluge des initiatives et acteurs de santé mondiale. Nous avons besoin d’un système de gouvernance qui encourage un partenariat effectif et cordonne les initiatives pour créer des synergies et éviter des compétitions destructrices. Plus important, la gouvernance globale devrait renforcer le leadership et le rôle normatif de l’OMS qui en tant qu’agence des Nations Unies, doit avoir la légitimité, l’autorité et les ressources pour supporter tous les pays dans la garantie du droit pour la santé.
3. WHO Bulletin – Implications of the
Rüdiger Krech, Nicole B Valentine, Lina Tucker Reinders & Daniel Albrecht ; http://www.who.int/bulletin/volumes/88/10/10-082461/en/index.html
Krech et al. reviennent sur les implications de la ‘Réunion internationale sur la santé dans toutes les politiques‘ tenue à Adélaïde, Australie en Avril 2010. (PDF, 2 p). Les défis à relever –pauvreté, santé, sécurité alimentaire, énergie, crise économique, changement climatique- pour atteindre les OMD sont liés. Le secteur santé pourrait développer une approche plus globale qui permettent une amélioration du bien-être des individus dans la société. Ainsi, les gouvernements doivent engager plusieurs autres secteurs vers un objectif commun d’amélioration de la santé et du bien-être et cela passe par la revue des politiques dans chaque secteur pour que celles-ci s’alignent autour de cette vision. Il faudrait abandonner l’organisation actuelle en ‘silos’ ou de ‘ministères isolés’ de l’action gouvernementale pour créer un système hybride d’élaboration des politiques pour faire face aux problèmes qui nécessitent une multisectorialité. Le secteur santé devrait donc jouer un rôle majeur d’appui pour la mise en place de ce système. Evidemment, un changement de culture est nécessaire pour que les professionnels de la santé travaillent au-delà de leur secteur traditionnel. Dans cinq ans on dira les OMD n’ont pas été atteints, non pas que cela était impossible, mais parce que les engagements n’ont pas été tenus, les ressources étaient inadéquates et l’intérêt pour un développement pérenne était insuffisant.
4. Owen Barder – UN SUMMIT ROUNDUP: THREE DEVELOPMENT NARRATIVES
Les multiples réunions de l’ONU la semaine dernière à New York ont provoqué une bourrasque de document, de discours, d’annonce et d’article concernant le développement en général et les OMD en particulier. Selon Owen Barder, il semble y avoir trois récits émergeant de développement qui ne sont pas à l’évidence complètement compatibles. Il existe un gap substantiel entre préconiser une grande poussée pour plus d’aide pour déclencher le cycle d’industrialisation dans les pays les plus pauvres, et changer de politique pour protèger les droits des groupes les plus marginalisés de la société quelque soit le pays.
5. Times SA – SA to import thousands of docs
http://www.timeslive.co.za/Politics/article675940.ece/SA-to-import-thousands-of-docs
L’Afrique du Sud recrutera des milliers de médecins étrangers pour renforcer le personnel de l’assurance maladie qui sera lancée dans les 2 ans à venir, a déclaré cette semaine le planificateur en chef Olive Shisana.
6. Aidspan – Some Donors Announce Their Pledges to the Global Fund for 2011-2013
David Garmaise ; http://www.aidspan.org/index.php?issue=130&article=2
La France, le Japon, le Canada, la Norvège et la Chine ont annoncé combien elles prévoient de donner aux Fonds Mondial (FM) pour les trois ans à venir (2011-2013). Bien que la chine ait augmenté sa contribution de 133%, elle demeure néanmoins décevante, pour ne pas dire dérisoire. Beaucoup de personnes espèrent que les contributions du FM pourront atteindre $17 – $20 milliards, mais sont néanmoins inquiets en raison du climat économique actuel. Il y a un certain nombre d’initiatives en cours pour persuader les donateurs de contribuer plus pour le FM, y compris une pétition en ligne et une semaine globale d’action organisées par le comité du FM avec l’appui d’un certain nombre d’organisations à but non lucratif – voir www.globalfundreplenishment.org
7. Seven Challenges in International Development Assistance for Health and Ways Forward
Devi Sridhar; http://bit.ly/aeL0Ka (PDF, 11p, 172 Kb)
Au cours des 20 dernières années, l’aide au développement pour la santé a substantiellement augmenté. Cependant, les crises alimentaires, pétrolière et financière ont soulevé la question de savoir si ces aides continueront d’augmenter, ou même de se maintenir. La santé et l’éducation étant souvent les premières victimes des compressions budgétaires en période de difficulté financière et de concurrence avec d’autres priorités car elles sont considérées être dans le domaine de la « basse politique » par opposition aux dépenses sécuritaire et militaire, qui sont vue comme « la haute politique ».
Dans ce document qui tombe à pic dans un climat actuel de crise financière, Devi Sridhar esquisse sept défis de l’aide au développement pour la santé et ouvre la discussion sur trois voies possibles pour y faire face. L’auteure indique que le but du document est de susciter le débat et non d’être une « prescription », car ce n’est qu’à travers un examen minutieux des échecs réels ou perçus de l’aide globale de santé que peuvent être construites des actions pour rendre non seulement le système plus efficace, mais également plus fort. Il faudra convaincre les décideurs politiques afin de donner la priorité à l’aide au développement pour la santé dans un contexte des ressources limitées.
8. WHO – A third of those in need of antiretrovirals in poor countries can now get them
http://www.who.int/hiv/pub/2010progressreport/en/index.html
Le nouveau rapport publié conjointement par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF) et le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA), présente les progrès réalisés au cours de l’année écoulée. Chan, Sidibe et Lake reconnaissent que malgré les progrès observés, qui sont autant de motifs d’encouragement, l’accès universel à la prévention, au traitement et à la prise en charge de l’infection à VIH ne seront pas atte
ints en 2010. Un tiers seulement des personnes qui en ont besoin ont accès à un traitement antirétroviral. La couverture des interventions de prévention est encore insuffisante. Et la plupart des personnes vivant avec le VIH ne connaissent toujours par leur statut sérologique. Simultanément, la crise financière et la récession économique qui s’en est suivie ont incité certains pays à réévaluer leurs engagements en faveur des programmes de lutte contre le VIH. En réduisant le financement des services de lutte contre le VIH et de prise en charge de cette infection, le risque n’est pas seulement de perdre les acquis de ces dernières années mais aussi de compromettre grandement l’accomplissement d’autres objectifs du Millénaire pour le développement, surtout ceux liés à la santé maternelle et infantile. En mettant à jour les lacunes des systèmes de santé actuels, la riposte mondiale au VIH a par ailleurs permis une action plus concertée pour agir sur des facteurs systémiques plus larges, notamment la capacité des ressources humaines, les infrastructures matérielles, les chaînes d’approvisionnement, les systèmes de financement et d’information de la santé. De nombreux pays l’ont montré : l’extension continue des programmes de lutte contre le VIH peut permettre de faire tomber les obstacles systémiques qui ont empêché d’obtenir de longue date d’autres résultats escomptés en matière de santé. Si la marge d’amélioration reste importante, les programmes de lutte contre le VIH ont déjà eu un impact contribuant à la lutte contre d’autres maladies et, plus généralement, sur le développement économique et social. En termes de politique publique, les conséquences sont claires: s’il faut renforcer la riposte à d’autres priorités mondiales de santé, ceci doit se produire en plus, et non à la place, d’un engagement continu et croissant pour lutter contre l’infection à VIH. C’est seulement en travaillant ensemble que nous pourrons endiguer l’épidémie, indique ainsi les patrons des 3 institutions sus mentionnés.
9. Guardian – Time for the drug companies to hand over their patents
Sarah Boseley
http://www.guardian.co.uk/society/sarah-boseley-global-health/2010/sep/30/aids-drugs
L’Institut Nationale de la Santé des Etats-Unis a annoncé qu’elle octroyait la patente pour un médicament contre le VIH -le darunavir, un inhibiteur de la protéase- à l’OMS pour que des formes génériques moins chères soient fabriquées pour les pays à faible revenus. Oxfam et MSF ont appelé les compagnies pharmaceutiques qui détiennent des droits sur les autres antirétroviraux à donner leurs patentes à l’OMS pour garantir l’accès à la trithérapie pour les personnes vivant avec le VIH dans les pays à faible revenu.
One Response to International Health Policies in the news today #85 FR