Chers Collègues,
Malgré les vacances, nous avons trouvé de nombreux articles intéressants. Tout d’abord, nous avons inclus trois articles sur le discours prononcé par Obama devant le parlement du Ghana. La Kaiser Family Foundation publie un bref rapport de son message, auquel nous avons joint deux commentaires : L’un de Ruth Levine, du Centre for Global Development (CGD) et l’autre de Paul Collier. Tous deux mettent l’accent sur le changement de ton qu’Obama a utilisé: Non pas la compassion, mais plutôt la conscience et la responsabilité.
Ensuite, parmi les articles autour de la Journée mondiale de la population qui a lieu le 11 Juillet, nous avons choisi un article d’IRIN soulignant la baisse de financement de la planification familiale depuis la conférence du Caire en 1994 et ses conséquences néfastes sur les efforts de réduction de la pauvreté.
A propos du renforcement du système de santé, nous avons à nouveau inclus un blog du CGD, avec déjà quelques réponses intéressantes, sur les efforts récents du Fonds Mondial, de GAVI et de la Banque mondiale pour fusionner leurs investissements dans le renforcement des systèmes de santé. Sur le site Web de la Banque mondiale, vous trouverez également des rapports détaillés de la consultation qui s’est tenue à Washington sur ce sujet le mois dernier (en Anglais). Nous avons également (à nouveau) inclus l’article de Julio Frenk sur la nécessité de réinventer les soins de santé primaires.
Cette semaine, la revue The Lancet publie un grand nombre d’articles liés au SIDA. Nous n’avons pas pu les inclure tous. Si vous êtes particulièrement intéressé, vérifiez vous-même sur le site du Lancet. Si vous ne l’avez pas lu jusqu’à ce jour, nous vous proposons de lire l’avis écrit en mars par Peter Piot, Michel Kazatchkine, Mark Dybul et Julian Lob-Levyt sur les mythes qui flottent autour du SIDA et qui est publié dans la version papier du Lancet de cette semaine. Nous avons aussi ajouté un bref commentaire sur la nécessité pour le PEPFAR d’adapter ses priorités afin d’inclure l’adhérence thérapeutique des patients bénéficiant des ARV. The Lancet publie les résultats d’une étude avortée sur le risque de transmission du VIH au partenaire féminin des hommes séro+ circoncis et un commentaire sur cette recherche.
Enfin, le bureau des Nations Unies contre les drogues et le crime (ONUDC) a publié un rapport sur les faux médicaments en Afrique de l’Ouest.
Sincères salutations
David Hercot & Wim Van Damme
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Obama’s Global Health policy
1. KFF – Obama addresses Ghana’s parliament, reiterates
http://globalhealth.kff.org/Daily-Reports/2009/July/13/GH-071309-Obama-In-Ghana.aspx
Discours du Président Obama aux Parlementaires Ghanéen.
Lors de sa première visite en Afrique, le président Obama s’est adressé aux parlementaires Ghanéens. Dans son discours, il a notamment rappelé les quatre orientations de la politique américaine pour l’Afrique : Promouvoir la démocratie, diversifié les économies basées sur un seul produit, développer la santé publique et apaiser les conflits ethniques.
Tout en soulignant les progrès enregistrés en matière de santé publique, il a cependant remarqué que trop de personnes meurent de maladies évitables et que l’Afrique souffre de la migration de son personnel hors des frontières.
Il a également dit que l’engagement des bailleurs doit être mesuré autrement qu’en dollars. Il faut mesurer la capacité à introduire un changement transformationnel. Il a dit aux parlementaires Ghanéens qu’ils ont le pouvoir de rendre les responsables politiques responsables de leurs actes.
La question que certains se pose est de savoir si la politique américaine va vraiment changer au delà du discours. Obama propose une nouvelle stratégie, couteuse, et il doit faire face à un congrès habituellement réticent à l’aide internationale. Il doit aussi s’occuper de problèmes urgents au sein même de son pays et il a déjà deux guerres sur les bras.
2. A C-Change in Presidential Rhetoric: Compassion to Conscience and Common Interest
By Ruth Levine
De compassion à conscience et intérêt commun.
Pour l’auteur, le discours a changé entre Bush et Obama. Le premier parlait de compassion pour justifier sa politique d’aide tandis que le second a utilisé les termes de conscience et d’intérêts communs. Mais Obama parle aussi d’une approche plus intégrée pour sa politique sanitaire mondiale. Par là, il montre l’intérêt de son administration à s’investir au delà du SIDA pour inclure les autres causes de décès des mères et des enfants.
3. Guardian – Send in the accountants
Paul Collier
http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2009/jul/14/aid-obama-africa-accountants
Envoyez les comptables !
Alors que les leaders africains se sont habitués à une attitude de victimes brandissant le néo-colonialisme dés qu’un leader occidental oserait émettre des critiques, Obama bénéficie d’une position particulière et il n’a pas hésité à l’utiliser. Il a fait passer trois messages désagréables aux oreilles de certains leaders Africains. Le plus explosif est que le problème central de l’Afrique est la mauvaise gouvernance et que celle-ci est la cause d’une grande part de la pauvreté persistante. Son deuxième message est que la solution viendra de l’intérieur. Le leadership dépend grandement du processus politique. Ce n’est pas pour rien qu’il a choisit de visiter le Ghana. Le mauvais leadership n’est pas intrinsèque aux Africains. Il est intrinsèque aux personnes qui se sont frayé un chemin jusque sur les fauteuils présidentiels. Et ceci peut arriver lorsque le pays est pauvre, petit et jouit de beaucoup de richesses. Mais ce n’est pas inéluctable. Le Botswana possède ces caractéristiques mais a réussit à mettre en place une démocratie fonctionnelle. Le dernier message d’Obama est que les Etats-Unis vont aider, là où ils le peuvent pour faire pencher la balance en faveur de ceux qui se battent pour le changement [Démocratique]. L’Europe a choisit l’approche d’appui budgétaire tandis que les Etats-Unis ont une approche projet. Dans un pays qui fonctionne, le premier a plus de sens. Dans un pays déficient, aucun des deux ne n’apporte la solution. Dans ces pays, une armée de comptable devrait être envoyée pour assurer la bonne gestion des fonds de l’aide publique. Ces pays n’ont pas besoin de « Médecins sans frontières » mais plutôt de « Comptables sans frontières ». Et ceci non pas dans le but de bien utiliser l’argent de l’aide mais comme un moyen d’assainir le leadership Africain et de mettre en œuvre les promesses d’Obama qui sonnent comme une menace pour un certain establishment.
Funding Aid
4. IRIN – GLOBAL: Falling family planning funding threatens poverty fight
http://www.irinnews.org/Report.aspx?ReportId=85223
A l’occasion de la journée mondiale de la population, le 11 juillet, les Nations Unies tentent d’attirer l’attention sur le planning familial. Selon les experts, le peu d’intérêt apporté au planning familial depuis 10 ans est une menace pour les objectifs de réduction de la pauvreté et de la faim. Selon les estimations, deux cent millions de femmes n’ont pas accès à la contraception. Et les choses ne font que s’aggraver car outre la faiblesse des programmes de mise à disposition des contraceptifs, les campagnes d’information pour la planification familiale ont été remplacées par des campagnes pour la lutte contre le SIDA. Le vent va ou les nouveautés sont mais en matière de planning familial, il n’y pas de nouveautés. Les filles qui entrent dans la vie adulte aujourd’hui sont de plus en plus nombreuses et elles n’ont pas vu les campagnes d’il y a dix ans. L’article cite de nombreuses raisons pourquoi on en est arrivé là mais le plus important est qu’il faut maintenant y faire quelque chose si l’on veut réduire l’impact de la population croissante sur la pauvreté, la faim et les changements climatiques.
Health System Strengthening
5. Wedding Bells for GAVI, the World Bank and the Global Fund?
By Ruth Levine
Les cloches sonnent elles déjà pour le mariage de GAVI, du Fonds Mondial et de la Banque Mondiale ?
Au cours des derniers mois, on a beaucoup parlé de ces trois agences lorsque l’on parlait de renforcement du système de santé (RSS) dans les réunions internationales sur la santé mondiale (Paris, Venise et Washington). Probablement qu’un plan pour le RSS sortira d’ici 6 mois, vers novembre.
La volonté de mobiliser des moyens pour le RSS est forte actuellement et à raison. Tout d’abord, on a mis en évidence des distorsions causées par certaines IMS sur les systèmes de santé tels que le détournement des ressources humaines, des inefficiences dans le système d’information sanitaire ou dans les programmes d’approvisionnement en médicament par exemple. Ensuite, des programmes verticaux (population, maladie, intervention spécifique) ambitieux doivent s’appuyer sur des systèmes de santé robuste et performants pour réussir. Voir lettre #20 Synergies positives.
Mais pourquoi ces trois là veulent ils se marier ? Peut-être veulent-ils être au bon endroit quand des moyens seront alloués au RSS ? En tout cas, ils ont reçu un mandat du groupe de travail sur les financements internationaux novateurs pour les systèmes de santé. C’est tout juste si le groupe de travail laisse une petite place à l’OMS, tout en écartant les autres.
Mais ont-ils les moyens de leur politique ? Les uns et les autres ont bénéficié d’une évaluation récemment et ils en ont chacun retiré des critiques qu’il s’agit maintenant de prendre en considération s’ils souhaitent être à la hauteur de cette tâche. (GFATM : propositions des CCM pas suffisamment à la hauteur techniquement et pas suffisamment alignées ; GAVI : distorsion dans les systèmes d’information sanitaire et RSS orienté pour leurs objectifs ; Banque Mondiale peu efficace et peu transparent.)
Plutôt qu’un mariage arrangé, ne faudrait-il pas mieux ouvrir le processus et consulter plus largement les pays bénéficiaires et les autres acteurs ?
L’attention actuellement portée au RSS est très intéressante. Pas pour ces trois organisations mais plutôt pour les agents de santé et les ménages de 75 pays pauvres.
6. Lancet – Reinventing Primary Health Care
Julio Frenk
http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(09)60693-0/fulltext
article publié dans la lettre #15
Dans cet article, l’auteur tente de démontrer que le renforcement du système de santé est la bonne voie pour permettre la réalisation de soins de santé primaire intégrés. Il retrace d’abord l’histoire des soins de santé primaire depuis le rapport de Dawson publié en Angleterre en 1920. Il relève une série d’incohérence dans l’interprétation actuelle des soins de santé primaire. Notamment, il suggère que l’organisation pyramidale du système de santé ne répond pas adéquatement à la réalité du système de santé. Ce découpage entre niveau primaire secondaire et tertiaire est une des raisons de l’échec des soins de santé primaire. Contrairement à l’éducation, le chemin de la santé n’est pas linéaire et sa seule fin est la mort. Il souligne également que la distinction entre maladie transmissible et non transmissible serait plus adéquatement remplacée par une distinction entre soins chroniques et aigus.
Les soins de santé primaire sont complexes et ils ne devraient pas être vu seulement en terme de composantes mais aussi et plus encore en terme d’interrelation et la population fait partie intégrante du système à de nombreux égards (patient, acheteurs, bailleur, contrôleur ou encore producteur de santé) D’autres fonctions sont importantes tel que le leadership des autorités publiques, le financement équitable et les mécanismes d’incitation à la performance. Le problème des ressources humaines est également un goulot crucial qu’il faudra réduire.
Il propose d’abandonner l’approche pyramidale et de développer un modèle de réseaux de soins de santé qui soient interconnectés.
AIDS
7. Lancet AIDS: lessons learnt and myths dispelled
Peter Piot, Michel Kazatchkine, Mark Dybul, Julian Lob-Levyt
http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(09)60321-4/fulltext
article publié dans la lettre #7
Résumé :
Au moment ou nous entrons dans la quatrième décennie de lutte contre le SIDA, les auteurs font le point de ce que nous avons appris, ce que nous avons bien ou mal fait durant ces années. Ils réfutent huit mythes couramment relevés dans les débats sur la lutte contre le SIDA et esquissent les priorités et les défis futurs de la lutte contre le SIDA. Ils plaident pour un soutien –y compris financier- maintenu et même accru à la lutte contre le SIDA.
La stigmatisation et la discrimination restent des barrières très importantes dans la lutte contre la maladie. Bien que le SIDA n’ait pas progressé aussi vite que ce que certains avaient craint, nous observons une poursuite de la progression de la maladie dans des groupes qui étaient méconnus ou protégés auparavant: les homosexuels masculins en Asie et en Allemagne, les conjoints au Vietnam, une épidémie généralisée en Papouasie Nouvelle Guinée,…
Les auteurs énumèrent ensuite huit mythes fréquents à propos de la lutte contre le SIDA. Ils les démontent un par un. Voyez l’article pour les arguments. 1) la prévention contre le VIH ne marche pas 2) une seule intervention « miracle » va permettre de réduire la transmission 3) la transmission hétérosexuelle est rares en dehors de l’Afrique 4) L’épidémie en Afrique est exclusivement hétérosexuelle 5) Il y a trop d’argent qui est consacré au SIDA 6) Les investissements dans la lutte contre le SIDA sont faits aux dépends du renforcement du système de santé 7) Renforcer les systèmes de santé va résoudre tous les problèmes de santé y compris le SIDA 8) Le SIDA est un problème pratiquement résolu. Aucun de ces mythes n’est exact et la lutte contre le SIDA durera encore longtemps. La lutte est complexe mais nous savons ce que nous pouvons déjà faire et où nous devrions mettre l’accent dans le futur.
8. Lancet PEPFAR’s biggest success is also its largest liability
Peter Navario
http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(09)61312-X/fulltext
Dans cet article, l’auteur souligne que le PEPFAR qui a engrangé des grands succès pour le diagnostique et la mise sous traitement de nombreux patients depuis sont lancement il y a cinq ans doit maintenant s’atteler à la rétention des patients. Ces deux premiers objectifs pouvaient être considérés comme suffisant dans une première phase ou l’objectif était d’atteindre au plus vite un grand nombre de patients (2 millions), ce qui est fait. Le programme devrait maintenant également s’inquiéter de la rétention des patients enrôlés pour respecter les principes de santé publique et éviter l’apparition de résistance ou de décès par abandon. Ceci pourrait être fait en ajoutant quelques indicateurs bien choisit dans le suivi des projets. Il propose notamment un indicateur de rétention tel que le ratio de patients encore en traitement sur le nombre de patients qui ont commencé et un indicateur sur l’adhésion au traitement.
9. Lancet Circumcision in HIV-infected men and its effect on HIV transmission to female partners in
Maria J Wawer, Frederick Makumbi, Godfrey Kigozi, David Serwadda, Stephen Watya, Fred Nalugoda, Dennis Buwembo, Victor Ssempijja, Noah Kiwanuka, Lawrence H Moulton, Nelson K Sewankambo, Steven J Reynolds, Thomas C Quinn, Pius Opendi, Boaz Iga, Renee Ridzon, Oliver Laeyendecker, Ronald H Gray
http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(09)60998-3/fulltext
voir ci-joint la traduction du résumé et ci-dessous le commentaire.
10. Lancet Male circumcision and HIV risks and benefits for women
Jared M Baeten, Connie Celum, Thomas J Coates
http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(09)61311-8/fulltext a>
Cette étude réalisée en Ouganda sur une période de deux ans visait à étudier la transmission du VIH entre un homme séropositif circoncis et sa partenaire séronégative. Elle a été interrompue pour cause de futilité par le comité d’éthique. Les résultats, à posteriori, montrent un taux plus élevé d’infection parmi les partenaires du groupe d’hommes qui ont reçu la circoncision par rapport au groupe témoin. Dans leur commentaire, les deux experts qui faisaient partie du comité d’éthique qui a arrêté l’étude notent qu’au moment ou l’étude a été arrêtée, l’analyse des résultats n’avaient pas encore été faite. Ils notent qu’à court terme, la circoncision augmente le risque de transmission ce qui pourrait être du aux blessures ou à la fragilité résiduelle au niveau de l’opération. Ils recommandent une période d’abstinence ou d’utilisation du préservatif pendant six mois après une circoncision. Ils suggèrent aussi que l’effet protecteur ne viendrait qu’à plus long terme une fois les plaies guéries ce qui n’a pas été étudié. La circoncision permet en outre de réduire la transmission d’autres maladies sexuellement transmissible. Cette évidence là suffit à penser que la transmission du VIH s’en trouve réduite car l’on sait que les IST en fragilisant la muqueuse favorisent la transmission du VIH. Enfin, des couples séro-discordants courent le risquent d’infecter le partenaire par la répétition de l’exposition au risque et l’utilisation du préservatif devrait donc toujours être recommandée. Ci-joint le résumé de l’étude en Français.
Drugs
11. Fake medicines in
UNODC
Le bureau des Nations Unies pour la lutte contre les drogues et le crime vient de publier un rapport sur les médicaments contrefaits en Afrique de l’Ouest.
Les contrefaçons de médicaments non seulement privent les malades de véritable traitement mais ils renforcent certaines des maladies les plus graves de la planète. L’Afrique de l’Ouest est de plus en plus la cible d’une série de faux médicaments, y compris les antibiotiques, les médicaments antirétroviraux et des médicaments pour lutter contre le paludisme et la tuberculose. La plupart de ces faux produits pharmaceutiques qui semblent être authentiques mais contiennent peu ou pas d’ingrédient actif, sont importés, notamment de l’Asie du Sud et de l’Est, ou viennent de l’industrie pharmaceutique locale.
De 50 à 60% des médicaments anti-infectieux testés en Afrique et en Asie ne contiennent pas suffisamment de principe actif. Les sociétés qui produisent ces médicaments ciblent de plus en plus les pays pauvre car ceux-ci ont moins la capacité de détecter les produits de qualité insuffisante. De plus leurs habitants ont très peu de pouvoir d’achat et peu de moyens de se faire entendre.
Les auteurs demandent aux pays riches de ne pas utiliser l’Afrique comme un dépotoir pour leurs industries non performantes et de mettre en œuvre plus vigoureusement les codes de conduites.